dimanche 29 avril 2018

Relever la tête du guidon et dessiner un horizon

Avec les bouleversements dans notre organisation territoriale, plus souvent subie que choisie par nos élus, certains se trouvent aspirés dans une spirale de concentration et de superposition des responsabilités, tandis que d’autres se sentent mis à l’écart. A cette nouvelle complexité s’ajoute la démultiplication des réunions et surtout des trajets pour y participer. J’ai pourtant rencontré deux élus du Périgord Nontronnais qui prennent de la hauteur et du temps pour travailler sur l’avenir de notre territoire à l’horizon 2040. Francine Bernard et Pascal Mechineau, par ailleurs maires d’Etouars et de Milhac, participent depuis plus d’un an aux travaux du SCOT « Schéma de Cohérence Territoriale du Périgord Vert » dans le cadre du Bureau du Syndicat Mixte du même nom.

                  Francine Bernard, Déléguée Communauté de communes Périgord Nontronnais






                   Pascal Méchineau, Délégué Communauté de communes Périgord Nontronnais

Le SCOT à quoi ça sert ?

Le SCOT sert à établir une vision prospective de notre territoire et de son aménagement pour les 20 prochaines années. Une vision à l’échelle du Périgord Vert, une dimension pertinente pour fédérer et imbriquer nos intérêts locaux, aujourd’hui 150 communes et 6 Intercommunalités, afin de faire cohérence ensemble.

Sur quoi porte cette volonté de cohérence ?

On est sur des perspectives assez larges ; l’économie, l’urbanisme, l’agriculture, la forêt, le tourisme, l’environnement, mais aussi la mobilité et les flux de population, mais il nous faudra établir des priorités.

Mais plus concrètement ?

Un exemple flagrant d’incohérence, c’est la démultiplication actuelle des zones d’activité économique (ZAE) financées par nos impôts, et dont beaucoup se trouvent sous occupées voir inoccupées. Autre exemple de question à se poser ensemble : pourquoi augmenter les surfaces constructibles alors que nos centres bourg meurent ? Ou encore, observer l’implantation des EHPAD pour en rechercher une répartition équilibrée sur le territoire ?

Quel est l’enjeu général ?

C’est faire acte de résistance par rapport à l’état d’esprit général qui nous entraine vers la désertification, et l’Etat qui a une vision du développement durable centrée sur quelques pôles du territoire. Mais c’est aussi parvenir à une vision partagée pour dépasser l’esprit de clocher et nos concurrences locales, tout en tenant compte attentivement de ce qui se passe dans nos communes, précise F. Bernard. Il faudra aussi nous inscrire dans une interaction avec les grands pôles urbains qui nous environnent ; Angoulême, Brive, Limoges/Saint-Yrieix…

Comment va se passer la procédure d’élaboration ?

Elle sera accompagnée par un Bureau d’études pour lequel nous sommes en phase de consultations. Mais nous ne voulons pas que celui-ci définisse les orientations à notre place, ce sera à nous d’y travailler. Elle va se dérouler sur 5 années en 3 temps : le diagnostic, puis le projet d’aménagement et de développement durable (PADD), puis le document d’orientations et d’objectifs (DOO). Nous aurons des approches thématiques (ciblées dans le temps) et géographiques en 3 pôles (Est, Centre, Ouest du Périgord Vert)


Dans un premier temps, le diagnostic devrait commencer en septembre prochain. Il devra tenir compte des études déjà réalisées, des documents d’urbanisme existants et des choix déjà engagés localement. Puis un second temps sera consacré à l’élaboration commune d’un projet d’aménagement et de développement durable pour tout le Périgord Vert, démarche qui devrait aboutir vers 2020. Enfin le troisième temps prendra appui sur ce projet concerté pour définir des orientations et des objectifs qui devraient être arrêtés par le Syndicat au plus tard en 2022.
Après avis des partenaires publics et enquête d’utilité publique, le projet devra être approuvé par le Syndicat pour devenir exécutoire. Ensuite sera mis en place un observatoire pour une évaluation au bout de 6 ans.

Le SCOT combien ça coûte ?

L’ensemble des 6 Communautés de communes cotisent au Syndicat mixte du SCOT Périgord Vert à hauteur de 1,50 € par habitant chaque année. Son budget bénéficie également de subventions de l’Etat, de la Région et du Département. Ses principales charges sont un poste de Chargée de mission, un temps de secrétariat et des frais d’études.

Quels enjeux spécifiques en Périgord Nontronnais ?

La discussion est ouverte sur ce que chaque territoire a de plus important et il nous faut regarder quels profits on peut tirer de nos différences, précise F. Bernard, par exemple, le Nontronnais est reconnu pour son activité économique tandis que le Ribéracois est caractérisé par son agriculture. Aujourd’hui concernant l’urbanisme, détaille P Mechineau, nos 28 communes du Périgord Nontronnais se réfèrent à 4 plans locaux d’urbanisme, 23 cartes communales et 1 administrée par l’Etat (Direction des Territoires).
Notre Communauté de communes est dotée de nombreux services ; piscine, pôle des métiers d’arts, cinéma… mais notre point faible c’est le logement. Bien qu’on ait réhabilité 600 logements en une dizaine d’années, on a un patrimoine immobilier dégradé, avec trop de successions non réalisées et des personnes âgées en habitat rudimentaire. De plus, beaucoup de ceux qui viennent travailler chez nous choisissent d’habiter ailleurs ! Ce qui pose aussi le problème de la mobilité.
Autre faiblesse stratégique, pour faire valoir notre territoire dans cette démarche, il nous faudrait un projet de territoire, or si nous avons bien quelques projets structurants, aujourd’hui nous n’avons pas réellement de projet de territoire en Périgord Nontronnais.

Alors le SCOT atout et contrainte ?

Il nous créera une obligation de cohérence au niveau du Périgord Vert, il organisera des surfaces avec des aspects environnementaux mais sans entrer dans les détails. Il se déclinera en PLUI par Communautés de communes et la dimension systémique devra être reconnue, c’est-à-dire dans l’exemple d’une ZAE ou d’une sortie de vacance, toutes leurs conséquences sur la démographie, le logement, l’école, les services… car tout se tient.
Nous sommes un territoire de tourisme accessible souligne F Bernard, mais celui-ci découlera de nos choix pour l’environnement, et les campagnes il faudra bien les entretenir même si on a moins d’habitants ! Nous avons des joyaux à mettre en valeur, ainsi une responsabilité de politique publique s’impose sur la Haute Dronne. Mais les acteurs privés jouent un rôle primordial reconnaît P. Mechineau, un resto fermé le dimanche ce n’est pas très attractif !... les élus ne peuvent être que des facilitateurs. Le Parc a loupé la marche sur le tourisme, même s’il y a eu des productions intéressantes, le Parc fait du Parc, avec une tendance à justifier sa structure.

Est-ce que les citoyens seront associés à la démarche ?

Oui, à toutes les étapes, et la dimension sociétale et citoyenne fait partie de nos préoccupations. Les acteurs économiques me semblent mobilisables, mais pour les citoyens je vois ça plus difficile, reconnait P. Mechineau. On est dans la prospective, la société change, il va falloir s’adapter et faire une relation entre les générations à venir et l’avenir de ce territoire, mais comment s’y prendre ? Pour notre logo nous avons associé des jeunes de l’Université de Périgueux. Nous allons faire un film pour aller à la rencontre des gens, mais il faudra éviter que ce soit toujours les mêmes pour bénéficier d’un sang nouveau, et il faudra également un renouvellement des élus et des acteurs sensibilisés à ces enjeux-là.

Les deux élus rencontrés m’ont semblés passionnés par leur engagement dans cette démarche innovante, moins administrative que la gestion d’une Communauté de communes et davantage portée sur les enjeux, bien conscients que les politiques d’aujourd’hui dessinent l’avenir de demain.

 Entretien réalisé par Alain Dionneau le 17 avril 2018

Pour en savoir plus : www.scotperigordvert.com