Note argumentée des hébergeurs pour le
Projet Abowind - Saint Saud la Coussière
03 avril - Chalus
Suite à la lettre ouverte signée par 34 hébergeurs et à la demande du Conseil d'Orientation et de Développement représentée par Mme Anne-Marie Almoster-Rodrigues , 1er Vice-Présidente du PNR et Présidente du Conseil d’orientation et de développement, une délégation des hébergeurs du PNR est venu présenter ses arguments pour justifier sa position défavorable vis-à-vis des projets éoliens au sein du PNR Périgord-Limousin et plus particulièrement vis-à-vis du projet de la queue d’âne.
La réunion se tient en présence d’une vingtaine d’hébergeurs ainsi que plusieurs représentants du COD et du conseil scientifique du PNR. Marie-Jeanne Dartout, désignée comme rapporteuse par le COD pour le projet de la queue d’âne est également présente.
La réunion a démarré à 17h00 par une rapide allocution de la présidente qui remercie les participants pour leur présence et rappelle que cette réunion se tient pour écouter le message des hébergeurs signataires de la lettre ouverte. Elle tient à préciser qu’aucune décision ne sera prise à l’issue de cette réunion.
Les hébergeurs ont souhaité faire une présentation structurée et argumentée avant de passer à un débat. Bien qu’il y ait beaucoup de points à soulever, la présentation se concentre sur 10 arguments majeurs qui sont développés dans les pages qui suivent et qui ont été présentées par 4 hébergeurs.
En tant qu'hébergeur, professionnel ou semi-professionnel du tourisme, nous reprochons au promoteur éolien Abowind les 4 points suivants :
- La méconnaissance générale des enjeux de notre territoire
- La méthodologie inadaptée pour mener l'étude d'impact sur le tourisme
- Les idées fausses et dépassées sur le tourisme qu’il colporte
- Le manque de sincérité dans l'étude réalisée, voire les tentatives de dissimulation de la réalité
D’une manière générale, nous condamnons pour tous les projets :
- Les impacts environnementaux
- Le non-respect du principe de précaution
- Le manque d’équité des projets
- L’absence de démocratie
- Le choix énergétique contestable
- Les tensions sociales inhérentes à la nature des projets et aux méthodes employées
Pour éviter toute ambiguïté, avant toutes choses, nous tenons à rappeler que :
Les hébergeurs signataires de la lettre ouverte sont pour la plupart
membres du réseau valeurs parc ou
membres du réseau tourisme durable . Ces réseaux initiés par le PNR sont porteurs de sens et nous y sommes attachés. L’installation de fermes éoliennes industrielles au sein de PNR avec des méthodes et des sociétés qui ne sont pas en phase avec les valeurs défendues par ces réseaux peut
remettre en cause notre implication dans ces dispositifs.
Nous sommes plutôt
représentatifs des hébergeurs du parc car nous sommes aussi bien professionnels que semi-professionnels, Gîte, chambre d’hôte ou camping ou encore français, anglais, allemand ou néerlandais.
Nous insistons sur le fait que nous sommes
favorables à la transition écologique et nous sommes pour la plupart d’entre nous déjà impliqués dans des actions concrètes (Installation de panneaux photovoltaïques sur nos toitures, relamping en led, choix de fournisseurs locaux…). Nous savons que le succès passe par la
réduction de nos besoins en énergie et nous nous y attelons quotidiennement avec nos clients.
Nous avons conscience que nous allons laisser cette terre à nos enfants et nous voulons la préserver en
respectant la biodiversité et en réduisant les impacts de l’activité humaine trop souvent déraisonnable.
Nous ne sommes pas des pro-nucléaires et beaucoup d’entre nous sont allés marcher le 16 mars 2019 pour le climat. La marche organisée à Nontron est notamment due à l’action de plusieurs hébergeurs.
Nous sommes fiers et heureux de vivre dans le parc. Nous en sommes
les premiers ambassadeurs et nous tenons à le protéger..
La méconnaissance du territoire
Les activités économiques sont rares sur notre territoire donc elles sont précieuses.
Au sein du parc, le poids direct du tourisme peut paraître négligeable mais ses impacts indirects sur les producteurs locaux, sur les commerçants, sur les restaurateurs,...ne sont pas neutres et méritent plus d'attention.
A l'heure où le tourisme vers des environnements préservés en terme de paysage et dépourvus de pollution lumineuse, sonore et électromagnétique est en plein développement, il ne nous semble pas pertinent de détruire nos principaux atouts en implantant au sein du parc des éoliennes industrielles de 200m. En tant qu'hébergeurs, nous pensons que le parc offre un véritable potentiel pour développer un tourisme moderne en phase avec un environnement préservé et nous voyons les éoliennes industrielles comme un handicap et non comme un atout.
Abowind n’a pas pris conscience des enjeux du tourisme au sein du PNR :
- Lors de sa présentation du 13 février, la société ABOWIND n'a pas abordé la question des impacts sur le tourisme.
- Dans son étude d’impact, Abowind ne traite pas correctement la question du tourisme (Voir pages suivantes).
- Abowind n’a pas recensé tous les hébergements touristiques sur la commune de St Saud.
- Abowind a initialement proposé de rencontrer les hébergeurs le 04 avril 2019.
Au dernier moment, prétextant une réunion “Importante”, la responsable du projet de la queue d’âne (Sophie Breuzin) a annulé le rendez-vous, signe évident que la rencontre avec nous n’était pas importante.
La méthodologie contestable
En consultant le dossier complet qui fait plus de 1000 pages, il y a 4 pages qui parlent uniquement de tourisme en rappelant principalement des données du Comité Départemental du Tourisme et 10 autres pages qui évoquent ponctuellement le tourisme.
La conclusion de l'étude est :
"L'impact sur le tourisme sera négatif faible à positif faible" .
Pour aboutir à ce résultat extrêmement précis mais dépourvu de sens, aucun hébergeur et aucun touriste n'ont été interviewés au cours de l'étude. Notre profession est en première ligne sur la question du tourisme et est celle qui connaît vraisemblablement le mieux les attentes des touristes sur le territoire.
Que pensez d'une étude d'impact qui n'interroge pas les professionnels concernés ?
La conclusion d'Abowind vis à vis des impacts sur le tourisme nous paraît totalement erronée car nous savons très bien que nos visiteurs viennent chercher ici la préservation des espaces et des paysages. La denrée est de plus en plus rare et c'est notre principal atout.
Un choix énergétique contestable
L’énergie éolienne est certes renouvelable mais elle n’est pas non plus un choix parfait et n’est pas adaptée à tous les territoires. En comparaison avec les études menées dans d’autres pays et dans un contexte européen, ce choix énergétique nous semble contestable pour les raisons suivantes:
- La ferme éolienne envisagée va souffrir du manque de vent
Le PNR n’est pas connu pour être particulièrement venté. La moyenne pluriannuelle du vent à la station météo de Nontron est de 1,94 m/s (7 km/h)
Abowind prétend avoir mesuré qu'à 101 m le vent souffle à 5,10 m/s (18,36 km/h). Il fait la projection qu'à 130 m, le vent souffle à 5,6 m/s (20,1 km/h).
Lorsqu'on utilise les simulateurs de vent du spécialiste suisse : https://wind-data.ch/tools/profile.php, on constate que sur un terrain avec une rugosité moyenne comme le nôtre (Rugosité de classe 2,5, la projection à 130m devrait être seulement de 5,32 m/s soit 19,15 km/h. La prévision d'Abo-Wind est plus qu'optimiste.
Jusqu'à 4 m/s (14,4 km/h) la production d'une éolienne est nulle. Au Danemark on considère qu'un vent faible est un vent de 6 m/s (21,6 km/h) et un vent moyen 8 m/s (28,8 km/h). La probabilité que le vent souffle à 6 m/s à Saint Saud est de 20 %.
Par ailleurs, les études CNRS/GIEC sur les vents ont montré que les vents ont diminué de 10 % à 20 % ces 10 dernières années. Avec le réchauffement climatique, nous nous dirigeons vers des périodes de grand calme et des incidents climatiques tempétueux plus nombreux. Autant de situations où les éoliennes ne fonctionneront pas à plein régime.
-
L’éolien nécessite toujours des sources énergétiques complémentaires.
L’éolien est renouvelable mais intermittent. Il a forcément besoin de sources alternatives en cas de défaillance de sa part qui deviennent de plus en plus imprévisibles.
En février 2019, un anticyclone s'est installé sur l'Europe pendant quelques semaines et a mis à l'arrêt les parcs éoliens espagnols et italiens. Cette situation a nécessité l'utilisation d'autres sources énergétiques, en particulier des installations françaises qui ont battu des records d'exportation.
Le 10 janvier 2019, l'Europe a frôlé le black-out électrique pour différentes raisons mais en particulier en raison de la baisse de production soudaine des éoliennes allemandes, faute de vent, qui a déséquilibré la fréquence de 50hz indispensable au bon fonctionnement du réseau européen.
Depuis qu’elle a fortement développé ses parcs éoliens, l’Allemagne n’a pas amélioré son bilan carbone, elle l’a plutôt dégradé et aucune date n’est envisagée à ce jour pour sortir de cette situation.
- Un bilan carbone pas si flatteur
Si l’on regarde le bilan carbone d’une éolienne en prenant en compte l’ensemble de son cycle de vie, plusieurs études démontrent qu’il est loin d’être vertueux. Si l’on met en regard la rentabilité énergétique avec les impacts des éoliennes sur la biodiversité, la difficulté pour recycler certaines parties de l’éolienne (Pale, fibres de verre, métaux rares très polluants, huiles) et les tensions sociales générées, on peut légitimement s’interroger sur l’intérêt de certains parcs éoliens en particulier terrestres.
Lisez cet article :
https://www.contrepoints.org/2014/02/16/156807-eoliennes-quel-est-leur-vrai-bilan-carbone
Pour toutes ces raisons, il est judicieux de réserver les fermes éoliennes dans les secteurs très venteux qui offrent plus de garanties en terme de quantité et de constance dans la production
Sans être expert mais avec un peu de bon sens, il nous semble que l'exploitation sur le site de la queue d’âne ne peut pas être rentable d'un point de vue énergétique. Elle l'est sans doute d'un point de vue financier puisque l'énergie est hautement subventionnée avec des prix garantis pendant 15 ans.
Le principe de précaution
Les éoliennes qu'on nous propose sont parmi les plus hautes d'Europe et il y a un manque évident de recul quant à leur impact, bien au contraire. Un parc naturel nous semble précieux et il ne nous apparaît pas raisonnable d'expérimenter lorsque les impacts potentiels concernent notre environnement direct.
Parmi les risques que nous avons identifiés:
- Aucune éolienne de cette taille n’est exploitée en France donc nous n’avons pas véritablement de retour d’expérience et les retours à l’échelle européenne sont faibles et difficilement comparables car les éoliennes sont installées plus loin des habitations dans les autres pays qu’en France.
- Abowind n’a aucune expérience avec des éoliennes de cette taille.
- Il existe de nombreux témoignages concernant des problèmes de santé. Alors que le bruit maximum autorisé au Danemark dans les habitations est de 35db (Contre 45db pour l’OMS), les machines qu’on veut installer atteignent justement les 45db pour les habitations les plus proches.
Au bruit s'ajoute la pollution lumineuse constante dans un environnement naturellement peu lumineux.
De nombreux témoignages concernant des perturbations du sommeil et des effets très significatifs sur l’élevage sont relatés dans la presse (Infrasons, courants électromagnétiques dans le sol par les câbles qui relient les éoliennes entre elles,...)
.
- Les lois stipulant les distances de sécurité ont été rédigées lorsque les éoliennes mesuraient 120m au maximum. Sous la pression des lobbies éoliens, elles n’ont pas bougées alors que la taille des éoliennes est en passe d’être doublée. Le bon sens voudraient que la distance de sécurité soit proportionnelle à la hauteur comme au Danemark où la distance de sécurité doit être au minimum 4 fois la hauteur de l’éolienne.
- Les accidents d’éoliennes existent (30 accidents en Allemagne en 2018 et 9 en France). Il s’agit souvent d’incendie, difficilement maîtrisables (Pour mémoire, le projet concerne un environnement forestier), de fuites d’huile, de béton fissuré ou encore de pales cassées avec des débris pouvant aller jusqu’à 800 m (Cas de Borchen Rhenanie-Nord-Westphalie, 8 mars 2018).
- Le démantèlement des machines est un sujet largement débattu pour lequel nous avons peu de retour d’expérience excepté les parcs éoliens abandonnés tel quel aux états-unis sans aucun démontage mais les états-unis ne sont pas l’Europe.
Il semblerait que lors du démantèlement, il ne soit pas envisagé de nettoyer les sols des tonnes de béton coulés alors le sol est justement la pierre angulaire de tout développement biologique. Peut-on envisager une telle situation dans un parc naturel ?
Les idées fausses et dépassées sur le tourisme
Dans son étude, Abowind laisse entendre que : “Un parc éolien peut devenir un objet d’attraction touristique"
Cette affirmation fait référence aux émois liés à l'implantation des premières éoliennes à la fin des années 90. A l'époque, peu de gens avaient vu des éoliennes industrielles et certains sont allés en effet les visiter comme un objet de curiosité.
Aujourd'hui la situation est totalement différente. Tout le monde a vu des champs éoliens et l'intérêt n'est plus le même. La situation en 2019 vis à vis des éoliennes géantes est plutôt la suivante :
- Même si les études scientifiques sont contradictoires, des nuisances et des effets néfastes sur la santé sont évoqués et ces rumeurs peuvent constituer un effet repoussoir pour le territoire. Abowind sous-estime l'importance des vacances chez nos clients. C'est un moment important et attendu et ils ne sont pas prêts à faire des concessions vis à vis d'éventuelles nuisances.
- Les touristes sont aujourd'hui enthousiasmés par nos ciels étoilés dépourvus de pollution lumineuse et la présence de ces monuments géants au sein du parc mettra fin à cet avantage de plus en plus rare dans notre pays. Étonnamment, le PNR postule actuellement pour faire partie de la RICE (Réserve internationale des ciels étoilés), statut complètement incompatible avec le déploiement de fermes éoliennes
- Nos paysages sont intimistes et à taille humaine... Les ateliers menés par le parc ont montré l'attachement de la population à ces paysages et ils constituent un atout pour le tourisme. Le dossier d'étude essaye de nous convaincre que la question de l'atteinte au paysage est prise en compte mais il nous semble qu'en prenant le sujet sous n'importe quel angle, l'impact est considérable car les dimensions envisagées sont tout simplement incompatibles avec la clairvoyance observée par la nature elle-même (Les arbres dépassent rarement 35 m par ici).
Par ailleurs, de nombreux opérateurs font des efforts pour enterrer les lignes électriques ou téléphoniques qui gâchent le paysage. Outre le fait que cela sécurise les réseaux, les impacts sur le paysage sont positifs.
Dans le même temps, nous allons planter des mastodontes industriels bien plus imposants qui vont détruire ces mêmes paysages
Le risque environnemental
En tant qu'hébergeurs, nous accueillons régulièrement des visiteurs issus d'autres régions. Cette position nous permet de mesurer à quel point nous vivons dans un environnement encore préservé.
Beaucoup de nos concitoyens n'ont pas cette chance et vivent dans des espaces fortement dégradés par l'activité humaine. Parmi de nombreuses nuisances, certains évoquent en particulier la disparition des oiseaux et la pollution lumineuse. En ce qui concerne les oiseaux, le parc est en plein milieu des principaux courants migratoires et c'est une véritable richesse. Nos oiseaux sont pourtant déjà grandement menacés par nos voitures, nos constructions, nos lignes électriques, nos insecticides (Et non, tout le parc n'est pas en agriculture bio...) et il nous semble qu'il n’est plus possible d'intégrer de nouvelles nuisances pour la biodiversité au sein du parc.
Le conseil national de protection de la nature nous donne raison en émettant un avis sans équivoque sur le projet de la queue d’âne.
Les études réalisée par Abowind au niveau de la biodiversité doivent être remises en cause pour les raisons suivantes :
- Les recensements des oiseaux n’a pas été fait dans les bonnes conditions. En particulier, aucun comptage n’a été réalisé de nuit ou à l’aube, moments privilégiés pour les oiseaux migrateurs.
- Plusieurs parties du dossier sont des copies d’autres études réalisées en Charente. Le recensement des Zones naturelles d'intérêt écologique, faunistique et floristique (ZNIEFF) nous semble incomplet et pourra faire l’objet de recours ultérieurs.
- Les mesures compensatoires envisagées ne sont pas à la hauteur car elles se situent à proximité directe d’emplacements visés par d’autres fermes éoliennes. Compte-tenu du maillage éolien qui se dessine au sein du parc, il va être difficile d’imaginer des mesures compensatoires à l’intérieur du PNR.
Nous pensons que nous devons considérer que tout nouveau projet destructeur de biodiversité va venir s'ajouter à la longue liste des projets existants. En aucun cas, il ne viendra se substituer à une autre forme destructive et nous sommes à une époque où un parc naturel ne doit plus l'accepter. Les impacts sur la faune et sur les sols sont conséquents avec les projets éoliens d'une telle ampleur et les pseudos mesures de compensation envisagées ne nous semblent pas répondre à la question des enjeux environnementaux. A nos yeux, une approche moderne de la défense environnementale ne doit plus passer par de destructions d’un côté que nous pourrions compenser de l’autre. Les dégâts fait sur un territoire se sont pas compensables par des plantations faites sur un autre territoire. C’est une idée fausse inventée par les destructeurs de l’environnement.
Les tensions sociales
Les projets éoliens sont clivants. Ils installent sur le territoire une atmosphère délétère qui n’est pas favorable au développement du territoire et à son épanouissement.
Nous voulons des projets fédérateurs, motivants et dans la concertation, voire le co-construction pour réussir comme d’autres territoires qui ont fait ces choix (Loos en Gohelle dans le nord, Kingersheim en Alsace, Langouët en Bretagne....).
Actuellement, nous constatons une stigmatisation des opposants par certains élus locaux sans chercher à établir un dialogue, ni à comprendre les argumentations présentées.
Lorsque des initiatives intéressantes sont prises pour discuter de la transition énergétique, les institutions ne tiennent pas compte des avis émis par la population ou les professionnels :
- Le 19 février 2016, les hébergeurs du PNR avaient été réunis pour parler de l’énergie et le constat avait été sans appel (Oui à une transition énergétique concertée sous plusieurs formes, non à une industrialisation éolienne déraisonnable), le compte-rendu de la réunion avait fortement édulcoré les positions très claires affichées pendant la réunion.
- En 2017, des assises sur la transition énergétiques ont été organisées à Nontron par le département. Là encore, le débat a eu lieu et l’avis général a été clair contre l’éolien industriel. Le PNR et certaines communes n’ont pas tenu compte de l’expression populaire
Cette manière de procéder exacerbe les tensions sociales sur le territoire et entraîne une perte de confiance dans les élus.
En raison de sa philosophie, de sa modération et de sa méthodologie, l’éolienne implantée à Rilhac-Lastour a été très peu contestée et n’est pas remis en cause. Il n’est pas source de tensions sociales et peut servir d’exemple pour d’autres projets énergétiques. Le projet Abowind en est le parfait contre-exemple.
L’absence de démocratie
La société Abowind évoque dans son dossier un certain nombre de nuisances qu'elle juge acceptables. Or, ces nuisances vont être principalement vécues au quotidien par la population du territoire qui n'est pas suffisamment informée et pas suffisamment consultée. Il nous semble que la population doit pouvoir davantage s'exprimer sur la question. La législation prévoit une enquête publique mais cette étape nous semble insuffisante et trop tardive lorsqu'il s'agit de projet qui vont impacter profondément et durablement un territoire.
Nous pensons qu'un parc naturel doit prendre soin de sa faune et sa flore tout autant que de ses habitants et nous aspirons à ce que le parc organise de véritables concertations pour que nous puissions ensemble préserver et développer notre parc.
Nous constatons que bien souvent, ce sont les plus petites communes qui sont la cible des promoteurs, sans que le maire ne soit informé dès le début. Ensuite le promoteur met l’accent sur les compensations financières qu’il peut attribuer à la commune pour aider à boucler un budget souvent mis à mal par les baisses des dotations de l’état. Les promoteurs séduisent ainsi les élus et leur demandent une simple autorisation pour circuler sur la commune et démarrer des études. C’est le début d’un engrenage dont les élus peu formés et peu expérimentés face à ces situations ne parviennent pas toujours à sortir.
Compte tenu des impacts directs, importants et durables des projets éoliens sur la population, nous pensons que les élus, malgré leur statut issu des urnes, n’ont pas carte blanche pour gérer ces situations complexes aux enjeux forts. Quelles que soient leurs convictions, le principe même de la république et de la représentation doit les inciter à consulter les habitants sur des sujets aussi sensibles avant d’engager leur commune dans une direction ou une autre.
Malheureusement, c’est rarement le cas et nous déplorons l’absence de concertation sincère et honnête en amont de tous ces projets éoliens.
Enfin, nous pensons qu’il est indispensable d’avoir une vision globale des projets afin de ne pas perdre le contrôle de la situation. Les promoteurs présentent leurs projets comme si les autres projets n’existaient pas alors qu’il faut bien évidemment considérer l’ensemble. A notre avis, le PNR doit diffuser largement ces informations auprès des habitants et des professionnels du parc.
A notre connaissance, voici une liste de communes faisant partie du parc qui ont subi ou subissent la présence de promoteurs éolien qui cherchent à s’installer au sein du PNR. Cette liste n’est vraisemblablement pas exhaustive.
MAISONNAIS SUR TARDOIRE
BUSSEROLLES
CHAMPNIERS et REILHAC
LES SALLES LAVAUGUYON
PIEGUT PLUVIERS
SAINT-MATHIEU
LA CHAPELLE MONTBRANDEIX
SOUDAT
CHAMPS ROMAIN
SAINT-PARDOUX LA RIVIERE
SAINT SAUD LA COUSSIERE
SAINT JORY DE CHALAIS
MIALLET
MILHAC DE NONTRON
FIRBEIX
MAREUIL
BEAUSSAC
Il faut ajouter à cette liste deux projets en Charente très proches du PNR.
FEUILLADE et SOUFFRIGNAC
CHERVAL / VERTEILLAC
Un projet peu équitable
L'implantation d'un projet éolien génère des nuisances comme toute production énergétique et génère quelques gains.
D'un point de vue nuisance, l'ensemble de la population ainsi que la faune et la flore vont être impactés de manière plus ou moins marquée.
D'un point de vue gain, les retombées financières espérées par les collectivités paraissent bien faibles face aux nuisances que Abowind demande à la population de supporter et face aux bénéfices que l’entreprise va réaliser.
En moyenne, compte tenu des tarifs subventionnés et garantis, une éolienne peut rapporter environ 360000 euros annuels pour 2,5 MW et son amortissement est possible en 5 ans maximum selon la production réalisée.
Les grands gagnants vont être la société Abowind, quelques propriétaires fonciers qui bien souvent n'habitent pas le territoire et des constructeurs étrangers car les éoliennes prévues ne sont pas fabriquées dans notre pays. Nous ne sommes pas convaincus que la planète soit gagnante car l'implantation de structures démesurées au sein d'un environnement équilibré n'a jamais produit de bons résultats et nous avons l'impression que cette production énergétique est plus au service de la société de consommation que de la préservation du territoire.
Il y a dans la mise en oeuvre de ces projets un sentiment d'injustice dont la population va faire les frais.
L'absence de sincérité
Plusieurs éléments démontrent que l’étude d’impact d’Abowind n’est pas sincère, pas plus que sa politique de revente de fermes éoliennes à des industriels étrangers.
- Falsification des résultats d’une étude effectuée en Languedoc Roussillon
Dans son dossier, Abowind évoque une enquête en REGION LANGUEDOC-ROUSSILLON, Impact potentiel des éoliennes sur le tourisme en Languedoc-Roussillon - Synthèse du sondage de l'Institut CSA - Novembre 2003. L'enquête date un peu (2003) et concerne le Languedoc-Roussillon qui a un positionnement touristique différent du PNR mais Abowind met en avant cette étude et la présente comme étant pertinente
En page 212 de l'étude d'impact, Abowind résume l'enquête de la manière suivante : "l'acceptation est très forte le long des axes routiers (64% favorables), elle est forte en mer ou dans les campagnes, mais l'idée plaît moins dans les vignes, à proximité de la plage et des lieux culturels ou encore du lieu d'hébergement touristique."
Cette formulation n'est pas conforme à la conclusion de l'enquête réalisée.
Abowind évoque "L'idée plaît moins... L'enquête stipule "Les touristes sont presque hostiles... et apparaissent gênés...par une implantation à proximité du lieu d’hébergement"
Chacun comprendra la nuance.
Abowind place dans une liste à la Prévert "le lieu d'hébergement touristique" en dernière position après les vignes, la plage... alors que dans l'étude "l'installation à proximité d'un lieu touristique" est pointée en deuxième position après le patrimoine avec 48% de personnes gênées loin devant les vignes ou la plage.
Pourquoi avoir changé les termes de l'étude ? Ce parti pris n'est pas synonyme de sincérité, bien au contraire et teinte l'ensemble de l'étude de suspicion car si la société Abowind est capable de trafiquer les termes d'une étude sur le tourisme, pourquoi est ce qu'elle ne le ferait pas sur les problématiques environnementales ou liées à la santé.
- Choix contestable des études présentées
Il existe de nombreuses études sur les impacts des éoliennes sur le tourisme. A la lecture de ces études, une conclusion sincère est que le lien entre éolien et tourisme est complexe et dépend fortement du contexte. Celui qui prétend que l’éolien n’a aucun impact sur le tourisme est un menteur, celui qui prétend que l’éolien va détruire la totalité du tourisme est un menteur également car la vérité est entre les deux et doit être regardée au cas par cas.
Dans le cas du dossier de la queue d’âne les études menées en 2015 par l’université de Hanovre ou celle menée par l’institution “VisitScotland” en écosse nous paraissent intéressantes car elles s'intéressent à l’impact en milieu rural ou à l’intérieur des terres.
Ainsi l’étude de
l’université de Hanovre que nous tenons à votre disposition fait le constat suivant :
“Conformément aux arguments théoriques et à la plupart des données empiriques existantes en Allemagne, nous constatons qu'il existe une relation négative entre la construction d'éoliennes et la demande touristique dans les communes allemandes. De plus, nous identifions des différences importantes entre les régions de la côte et celles de l'intérieur des terres”
Celle de
VISITSCOTLAND qui s’intitule “Wind Turbines and Rural Tourism” indique :
“Quinze pour cent des personnes interrogées par VISITSCOTLAND ont répondu catégoriquement qu'elles resteraient à l'écart d'une zone avec un développement éolien. Dix pour cent de plus ont déclaré qu'ils seraient moins susceptibles" de retourner dans la campagne écossaise si le nombre d'éoliennes augmentait.
Abowind n’a retenu que des études très incomplètes et qui ne correspondent pas à la configuration du projet de la queue d’âne.
- Abowind distribue des miettes aux collectivités
Dans un communiqué de presse de mai 2018, Abowind annonce des résultats records et des distributions de dividendes.
“Un nouveau record pour le résultat annuel d’ABO Wind. Le bénéfice net du groupe Abo Wind s’élève à 17 millions d’euros - Les actionnaires devraient percevoir des dividendes…”
Ce ne sont pas les bénéfices en soi qui constituent un scandale mais bien le fait que ceux-ci sont obtenus avec d’importantes subventions alimentées par la CSPE (Contribution au Service Public de l’Electricité) prélevée sur chaque facture d’électricité. Cette CSPE censé financer les énergies renouvelables n’a pas vocation à financer des bénéfices records et des dividendes à des actionnaires. Le deuxième scandale est que malgré des bénéfices records, ce sont bien des miettes qui sont versées aux collectivités qui vont subir toutes les nuisances.
- Abowind achète pour revendre à des énergéticiens étrangers
Dans ce même communiqué de presse de mai 2018, Abowind explique qu’une partie de ses bénéfices est lié à la revente de parcs éoliens.
“
L’énergéticien tchèque CEZ a également acheté à ABO Wind des projets éoliens français actuellement en développement, pour une capacité d’environ 100 mégawatts en 2017”
Ce fait est confirmé par un article du site de RadioPraha en janvier 2019
“La compagnie d'électricité tchèque CEZ a repris en France
huit projets d'éoliennes qui s'ajoutent à neuf autres projets déjà en préparation dans ce pays… Premier électricien tchèque, CEZ avait déjà fait en juin 2017 l'acquisition en France d'un ensemble de neuf projets d'éoliennes, d'une puissance totale installée de 100 MW, également auprès de l'allemand ABO Wind.”
Ainsi, alors qu’Abowind se présente comme l’interlocuteur pour l’ensemble du projet du début à la fin, rien n’indique qu’il ne va pas céder le parc de la queue d’âne à une compagnie tchèque ou d’une autre nationalité comme il l’a déjà fait pour 17 autres fermes auparavant. C’est le lot en général des projets les moins rentables
Le projet de la queue d’âne n’est pas géré en nom propre par Abowind mais bien par une Société en Nom Collectif : La SNC de la queue d’âne.
Cette forme juridique très simple détenue à 100% par Abowind a l’avantage d’être très facilement vendable.
Peut-on prendre le risque de voir une énergie locale passée sous le contrôle d’une société étrangère inconnue ? Est-ce que cela est en phase avec les valeurs du parc qui privilégient un développement local ?
- Abowind utilise des photos montage très contestables pour présenter le rendu des paysages
Les angles choisis pour les photos induisent en erreur sur la taille des constructions.
Les ciels sont systématiquement nuageux à très nuageux pour masquer les éoliennes.
Ces pratiques constituent de la désinformation, voire de la manipulation, signe de reconnaissance des agences de communication spécialisées en acceptabilité de projet non acceptables.
CONCLUSION
En 10 arguments, les hébergeurs du parc vous ont fait part de leur inquiétude vis-à-vis des projets éoliens dans le parc à commencer par celui de la queue d'âne à Saint Saud la Coussière..
Nous sommes sincères et honnêtes dans notre démarche et nous avons fait l'effort d'étudier la question afin de ne pas avoir une position purement dogmatique mais bien une position argumentée.
Nous réaffirmons la nécessité de mener une transition écologique. La question essentielle n'est plus de savoir s'il faut faire cette transition mais plutôt comment la faire et avec qui.
Nous pensons qu'il faut la faire avec les habitants et avec les entreprises qui habitent et vivent le parc au quotidien dans une démarche de concertation, voire de co-construction.Nous pensons que nous devons rester maître de notre destin et ne pas le confier aveuglément à des groupes extérieurs plus financiers que écologiques.
Nous pensons qu'il ne faut plus accepter les logiques de compensation car la faune et la flore détruites ici ne seront jamais compensées par des efforts consentis ailleurs. Cette idée n'est pas une idée raisonnable mais bien une idée de promoteur qui s'achète ainsi le droit de d'abîmer, voire de détruire notre environnement.
Nous sommes attachés aux valeurs du parc et nous pensons que les 5 axes de la charte du parc doivent être respectés dans leur ensemble. Aucun projet ne doit porter atteinte à l'un des axes même s'il semble à première vue favorable à un autre axe.
Pour mémoire :
- Axe 1 : Améliorer la qualité de l’eau
- Axe 2 : Préserver la biodiversité
- Axe 3 : Favoriser la valorisation des ressources locales
- Axe 4 : Lutter contre le réchauffement climatique
- Axe 5 : Dynamiser l’identité et les liens sociaux
Le conseil d'orientation et de développement et le conseil scientifique ont tout leur rôle à jouer et doivent faire preuve de clairvoyance pour accompagner les élus dans leurs décisions.
Ils doivent être impartiaux et tenir compte de toutes les sensibilités, surtout si elles sont argumentées.
D'autres parcs et d'autres institutions ont fait le choix d'émettre des avis défavorables sur des projets éoliens afin de conserver leur singularité et préserver leur environnement. Ils montrent d'une certaine manière une voie vers un parc plus équilibré, plus équitable, plus responsable et plus humain.
C'est ainsi que nous imaginons notre parc et nous espérons contribuer tous ensemble à son développement et à sa préservation.
Les hébergeurs remercient le COD et le conseil scientifique pour leur écoute et espèrent avoir apporter un éclairage constructif vis-à-vis de ces projets éoliens industriels qui menacent à plusieurs niveaux l’équilibre et le développement de notre parc.