Commentaire suite à la journée « Au secours, ça déborde ! » du 20 novembre 2021
Au cours de cette très intéressante journée, une interrogation s’est manifestée chez de nombreux participants quand ils ont découvert que les déchets des ménages, c’est-à-dire ceux qui nous sont le plus familiers, ne représentaient que 9% du total des déchets produits en France. Le corollaire étant : pourquoi se focaliser autant sur une source somme toute mineure ?
Il n’en est rien ! Et c’est le sens de ce commentaire que je me permets de faire, dans la mesure où je travaille sur cette question et plus largement sur celle de l’économie circulaire, depuis des années.
Tous les montants chiffrés qui suivent sont issus de l’ADEME (Agence de la Transition Ecologique) et du Ministère de la Transition Ecologique et Solidaire. Ce sont des valeurs de 2018, publiées en 2021.
Le tableau ci-après présente les chiffres bruts de la production de déchets, en France, en millions de tonnes :
La production totale s’établit ainsi à 343 MT (pour l’année).
Le premier poste qui attire l’attention est celui de la construction, c’est-à-dire du Bâtiment et des Travaux Publics, avec 240,2 MT, soit 70% du total. Il se décompose en deux parties bien distinctes :
• Les Travaux Publics (TP), 194 MT
• Le Bâtiment, 46 MT
1. La majeure partie des déchets des TP est donc constituée de terres excavées et de déchets minéraux. Ils sont gérés directement par les entreprises de TP soumises à une réglementation exigeante. En très grande majorité, ce sont des déchets inertes à faible impact environnemental.
2. Viennent ensuite les déchets du Bâtiment, avec un gisement important de 46 MT, dont les 3/4 sont inertes (gravats, blocs de béton, briques, tuiles...). 20% sont dits non inertes et non dangereux (bois non traités, plâtre, isolants...), et 5% sont considérés comme dangereux (déchets amiantés, bois traités...). La filière Bâtiment est mobilisée, notamment les fabricants et les entreprises de travaux. Un dispositif de Responsabilité élargie du Producteur (REP) est en train de se mettre en place en application de la Loi Anti-Gaspillage pour une Economie Circulaire (AGEC) de 2020. Rappelons à ce stade que la responsabilité des déchets de chantier incombe aux Maîtres d’Ouvrage !
3. En troisième position, viennent les déchets des ménages (nos déchets), avec 30 MT. Certes ils ne représentent que 9% du total, mais si on laisse de côté le secteur des TP dont le taux de valorisation de ses déchets est très élevé, la production française est alors réduite à 149 MT et nos déchets domestiques en représentent alors 20%.
Ces déchets présentent en outre trois caractéristiques propres qui justifient l’attention qu’on leur prête :
◦ Ils sont d’une extrême diversité (emballages, déchets alimentaires, objets en fin de vie, piles...)
◦ Ils sont produits par un peu plus de 30 millions de ménages, répartis sur tout le territoire
◦ Ils sont pris en charge par un service public, assuré à la base par les communes (et aujourd’hui de plus en plus des communautés de communes ou des syndicats territoriaux de collecte et de traitement des ordures ménagères)
Ajoutons que ne peuvent être correctement valorisés que les déchets qui ont été triés, le mélange des déchets étant le plus grand obstacle à leur valorisation.
4. L’industrie produit 25,4 MT de déchets. De façon générale, ces déchets sont soumis à des exigences législatives et réglementaires, et plusieurs filières de REP sont en place (emballages, piles et accumulateurs portables, pneumatiques, véhicules hors d’usage, médicaments...). Une dizaine d’autres sont en train de voir le jour en application de la Loi AGEC.
5. Le secteur de traitement des déchets, de l’eau et de l’assainissement est également un important producteur, avec 27,1 MT. Ils sont à la fois concentrés et aux mains de sociétés qui en ont fait leur métier.
6. Le secteur tertiaire (bureau, commerces, écoles, établissements de soins...) a une production non négligeable de 19,5 MT. Laissons de côté le secteur médical et hospitalier dont les déchets sont l’objet d’un traitement spécifique, les autres secteurs du tertiaire sont soumis à la règle du tri des 5 flux (papier, métal, verre, plastique, bois) élargi à 7 récemment (fractions minérales et plâtre) auxquels s’ajoutera en 2025 le flux des déchets textiles.
7. Les déchets de l’agriculture (et de la pêche) ne représentent qu’1,3MT, la majeure partie des résidus de l’activité agricole étant valorisés sur place (paille, déjections animales, fumier...).
En conclusion, la France a mis en place, depuis la première loi « Déchets » de 1975, un arsenal législatif et réglementaire adapté à l’extrême variabilité des types de déchets et au très grand nombre de producteurs de déchets (entreprises, ménages, collectivités). Les tonnes de déchets ne sont pas équivalentes et les chiffres globaux sur lesquels nous avons raisonné sont un peu trompeurs en ce sens qu’une tonne de déchets organiques, une tonne de gravats et une tonne d’équipements électriques et électroniques en fin de vie présentent des enjeux en termes de valorisation et d’élimination radicalement différents.
Tous les acteurs de la vie économique sont invités à mieux prendre en compte leurs déchets en mettant en œuvre les stratégies qui ont été exposées lors de la journée du 20 novembre, avec en ordre de priorité décroissante les leviers suivants : réduire à la source, allonger la durée de vie des produits, réparer, réemployer, recycler et en ultime recours enfouir.
Au niveau d’un territoire comme celui du Périgord Vert, qui compte relativement peu d’industrie, les deux grands enjeux en matière de déchets concernent donc les ménages et le bâtiment. Nous aurons certainement l’occasion d’y revenir.
Paul Brejon
Membre du CDD du Périgord Vert