lundi 23 avril 2018

L’accueil de l’enfance et de la jeunesse en Périgord Nontronnais


Par Alain Dionneau; Busserolles

Vice-Président de la Communauté de communes du Périgord Nontronnais, en charge de la politique Enfance-Jeunesse, Pierre Peyrazat me reçoit dans sa mairie d’Augignac. Il m’accueille dans la salle aux murs blancs et nus du Conseil municipal, attablé auprès des dossiers au menu de notre rencontre. La retranscription de notre entretien se fera en deux parties ; d’une part la politique communautaire d’accueil de l’enfance et de la jeunesse, et d’autre part les enjeux de l’évolution du tissu scolaire dont il assure la concertation entre ses collègues des autres communes du territoire.


Quelles sont les orientations et les objectifs de votre Commission Enfance-Jeunesse ?


La commission a pour rôle de porter un élan collectif d’animation du territoire, de service à la population et de citoyenneté. Faire en sorte que les parents, quelque soient leurs ressources, je dis bien quelque soient leurs revenus, trouvent des organisations qui permettent à leur enfant de s’épanouir, c’est mon orientation privilégiée, je suis beaucoup plus tourné vers le public que le privé. C’est aussi pour que les familles qui arrivent trouvent des services qui leur permettent de rester chez nous.


Ce qui est important aussi c’est le maillage du territoire, ne pas tout mettre à Nontron la ville centre, alors que les volontés institutionnelles ont souvent tendance à regrouper. Quand on habite à Bussière-Badil ou ailleurs, on a le droit d’avoir des structures de proximité, même si je reconnais que ce n’est pas facile. Elles n’ont pas à être « rentables », même si beaucoup de mes collègues sont dans cette optique là, mais il faut qu’elles soient viables.


Pour commencer, quoi de neuf dans la petite enfance ?

Pour la petite enfance, on a un problème avec notre Relais Assistantes Maternelles « Les petits petons » c’est la diminution drastique des assistantes maternelles. On est passés de 53 répertoriée en 2016 à 39 en activité aujourd’hui. C’est un mode de garde très utilisé sur l’axe D 675, mais toutes les assistantes ne participent pas au RAM. A mon avis un jour celui-ci sera menacé, malgré un excellent travail, car le financement de la CAF pourrait être remis en cause.

Il y a une baisse démographique générale ?

Oui d’ailleurs le nombre d’allocataires de la Caisse d’Allocations Familiales est en baisse sur le territoire, il y a une baisse de la natalité mais ce qui est surprenant c’est qu’il y a énormément de « nomadisme » avec des gens qui partent et d’autres qui viennent d’ailleurs, mais ce sont souvent des familles en difficultés qui bougent beaucoup, par exemple sur Augignac j’ai une famille de 4 enfants qui s’est installée il y a un an et demi et qui repart sur Piégut maintenant…donc il ne faut pas se baser que sur les naissances.

N’est-ce pas lié à l’offre de logement social ?

Logement social, ça me fait rire, ou pas rire malheureusement, mais quand on appelle logement social des loyers HLM à 500 euros pour une famille qui est au RSA ! Excusez-moi mais… Mes prédécesseurs ont pourtant fait sur la commune des logements sociaux, mais avec des emprunts qui imposent des loyers encadrés. Logement social : politique à revoir !

Et du côté de l’accueil collectif avec la crèche l’Île aux bambins ?

La crèche est organisée pour un effectif de 30 enfants mais nous sommes soumis par la CAF à un taux de fréquentation d’au moins 70%. En 2016 on était à 80% mais sur les premiers mois de cette année on est juste autour de 70%. Le problème de la crèche ce sont les horaires car aujourd’hui bon nombre de parents ont des horaires complètement atypiques, il y aurait des demandes dès 5h du matin !

Pourrait-il y avoir plus de souplesse ?

Elle n’est pas ouverte le samedi alors que des parents travaillent, mais il y quand même une amplitude journalière énorme, elle n’est fermé que 3 semaines au mois d’août. Nous avons des tarifs selon les revenus, et les plus faibles sont de plus en plus nombreux, certains parents ne paient que 0,50 € par jour. La crèche coute plus 100.000 € par an de reste à charge après subventions. La petite enfance est une population en baisse et très peu d’enfants à la crèche sont de provenances éloignées de Nontron, près de la moitié d’entre eux ont leurs parents qui travaillent à Hermès, ce qui nous assure une stabilité indispensable. Nous avons ouvert un dialogue avec les dirigeants de l’entreprise pour préserver cela.
D’autre part il faut mentionner les deux micro-crèches « Les p’tits loups » à Piégut et Nontron pour des effectifs de 20 enfants, qui sont des gestions entièrement privées. On peut donc considérer que sur cette partie de la Comcom il y a ce qu’il faut !

Et la future Loi sur l’école maternelle à 3 ans ?

Ça ne changera rien chez nous c’est déjà la réalité à 97 %... c’est juste un effet d’annonce !

Pour en revenir à l’accueil de la petite enfance, devant ces perspectives de stagnation ou de baisse des fréquentations que faites-vous ?

Un effort de communication, par exemple nous avons élargi la diffusion du journal du RAM à toutes les mairies, nous avons eu quelques retours mais en fait, c’est surtout le nombre d’assistantes maternelles qui diminue sur le territoire.

Avez-vous fait une recherche auprès de ceux qui ne viennent plus ? Pour détecter des insatisfactions ou des évolutions nécessaires qui n’auraient pas été perçues ?

Moi je ne l’ai pas lancé mais le problème c’est plutôt ceux qui ne sont jamais venus, pourquoi ? Peut-être à cause des distances, de l’autre côté du Bandiat ce n’est plus trop le bassin de vie. La centralité a ses limites mais démultiplier les équipements de la qualité de celui de Nontron, avec une dizaine de salariés, aurait un coût énorme.

Et la fin des TAP ? (Temps d’Activités Périscolaires)

Le périscolaire intègre les garderies qui entrent dans la compétence communautaire définie lors de la fusion de janvier 2017. Quant aux TAP c’était à mon avis une réforme extrêmement positive sur le principe, c’est-à-dire l’éveil des enfants aux pratiques culturelles et sportives, un principe génial ! Mais c’est une réforme qui a été trop rapide et mal pensée pour le milieu rural, alors les résultats n’ont pas répondu aux objectifs. Pour décider de leur maintien ou de leur suppression nous avons associé les parents à la réflexion par une enquête, pour eux c’était clairement inadapté, les enseignants étaient plus partagés. En tant qu’élus on ne pouvait pas cautionner et nous les avons abandonnés.

Qu’est-ce qui est fait de l’économie de 150.000 € qu’ils coûtaient à la Comcom ?

Attendez, 150 000 c’est pour une année pleine. On a arrêté en juillet et s’est ajouté l’arrêt des contrats aidés par l’Etat qui constituaient une ressource. Donc il faudra attendre 2018 pour connaître l’économie réalisée qui devrait se situer entre 50.000 et 70.000 €. Il faut savoir qu’une partie des personnels a été réaffectée sur les Centres de loisirs du mercredi.

Quelle organisation communautaire pour les Centres de loisirs ?

Lors de la fusion on a tenu à garder le maillage des Centres de loisirs, on aurait pu en faire qu’un seul centralisé mais on en a gardé les trois existants. Et il a fallu harmoniser les tarifs, à Busserolles on était à 7€ pour 10€20 à Nontron et Saint Pardoux, par jour. Une différence de 3€ ce n’est pas grand-chose mais quand on multiplie par le nombre de jours et le nombre d’enfants ça peut faire beaucoup ! On a harmonisé par le bas en mettant partout 7€ et cela a permis de rééquilibrer les fréquentations entre les trois Centres. A contrario pour les garderies on a harmonisé par le haut, alors que la Comcom du Haut Périgord était à 0,50€/jour et le Nontronnais à 1,62€/jour. On est donc passé à 25€/mois partout, mais ma volonté serait de descendre à 20€ du fait du retour à la semaine scolaire à 4 jours. Mais ce n’est pas encore entériné par la Commission.

Est-ce qu’on peut dire que cette nouvelle organisation représente une belle réussite de coopération intercommunale ?

Oui mais cela a demandé beaucoup de réunions, et tout n’est pas parfait, par exemple Busserolles nous met gracieusement ses locaux à disposition alors que Saint Pardoux exige un loyer. Et grâce à la mutualisation du personnel d’animation nous parvenons à nous adapter aux variations d’effectifs entre les services et entre les sites.

Quelles réponses apportez-vous pour les jeunes ?

C’est au niveau des ados que notre politique Enfance-Jeunesse peut s’améliorer. Sur le Haut Périgord on avait expérimenté une politique de chantiers de jeunes citoyens. Les communes proposaient à une vingtaine de jeunes quelques travaux ce qui leur permettait de financer des sorties ou des séjours. Aujourd’hui l’action s’est étendue et profite désormais à plus d’une soixantaine de jeunes de notre Comcom. C’est une réussite grâce à toutes les communes qui se sont mises autour de la table !
Dans les collèges le service périscolaire propose des activités entre midi et deux, cela s’est bien passé sur Piégut mais la convention a tardé à se mettre en place sur le collège de Nontron. Aujourd’hui la Communauté de communes vient de trouver une location rue de Verdun sur Nontron pour le futur Local Ado. Au départ nous espérions le mettre dans nos anciens locaux mais ils ont été affectés aux artisans du PEMA. Finalement ce Local ne se trouve pas loin du Lycée mais ça n’est qu’une location provisoire qui permet de lancer le projet Ados pour les 14-17 ans. Cela constitue vraiment notre priorité 2018 avec le soutien de la CAF. Notre objectif c’est que les jeunes y trouvent un accompagnement pour monter leurs propres projets.

L’Education populaire fait partie de vos objectifs, quelles sont les réalisations ?

Dans le cadre de l’éducation populaire deux axes ont été développés, l’un sur une sensibilisation autour de l’intégration des handicaps, et l’autre sur la mise en place de conseils municipaux de jeunes, d’ailleurs je les ai récemment accompagnés dans la découverte du Conseil départemental. Ce sont des axes auxquels je tiens personnellement et sur lesquels je veux m’impliquer.

Au plan économique, 2017 est bouclé, alors quelles sont les tendances ?

Les Centres de loisirs c’est 555.000 € à la charge de la Communauté de communes, plus le RAM environ 10.000 € et la Crèche 137.000 €, soit en tout un peu plus de 700.000 € de fonds publics communautaires pour l’année. Je trouve que l’effort de la Communauté de communes est énorme !

Pour 2018 vous maintenez le cap même si il y a une érosion sur la petite enfance ?

Oui mais je m’inquiète quand même pour la fréquentation de la crèche, il va falloir que nous atteignons bien les 70% minimum de fréquentation exigés par la CAF.

Observe-t-on des phénomènes identiques dans d’autres territoires comparables ? Y-a-t-il des solutions expérimentées ailleurs ?

La CAF retrouve cela ailleurs aussi mais se dit elle-même confrontée à des baisses budgétaires nationales.

Combien de professionnels travaillent dans ces différents services ?

En plus de la douzaine de personnes travaillant dans la petite enfance (crèche et RAM), 28 sont employées par la CCPN sur les centres et les garderies, auxquels il faut ajouter les personnels communaux mis à disposition pour les garderies, soit 26,01 Equivalent Temps Plein en 2017/2018 (nous étions à 33,59 ETP en 2016/2017 avant la suppression des TAP).
La plupart sont vraiment supers et très motivés. Les personnels qui encadrent les séjours sont relativement jeunes mais tous ne vont pas rester dans l’animation, certains passeront des concours.

Et les parents ? Comment voyez-vous leur place dans une approche de coéducation ? On a vu les convictions avec lesquelles vous portez vos responsabilités, mais de quels espaces, de quelles modalités les parents disposent-ils au sein de vos différents services pour y contribuer avec leurs propres valeurs éducatives ?

Qu’ils se fassent élire !

Oui mais ça c’est tous les six ans ! Mais en dehors, peuvent-ils apporter une plus-value ?

Je trouve que c’est très facile de donner son avis quand on ne tient pas les rênes. Il ne faut pas croire, les élus savent aussi réfléchir, et notre Commission communautaire Enfance-Jeunesse est ouverte à des élus locaux non communautaires ainsi qu’à des personnels, mais effectivement il n’y a pas de parents. Nous les avons consultés pour les TAP mais ils ne sont pas associés de manière organisée ou continue. Il faudrait pouvoir toucher l’ensemble et pas seulement quelques-uns parce que je me méfie beaucoup du pouvoir du verbe, et de la place que prend celui qui a l’expression facile.

C’est vrai pour les élus ça aussi !

Oui c’est vrai, d’ailleurs vous ne m’entendez pas beaucoup parler en Conseils communautaires, je suis plutôt dans l’action. Mais pour vous répondre plus précisément, nous avons un Conseil de parents à la crèche mais c’est vrai que sur les Centres de loisirs on n’est pas trop en relation organisée avec les parents, peut-être pas assez.

Avant de nous quitter pouvons-nous faire une photo pour accompagner l’article ?

Oh la la… j’ai horreur de ça !
Quand on est élu il faut assumer…et surtout merci de nous avoir consacré ce temps !


Tout au long de notre entretien Pierre Peyrazat m’a semblé dégager une réelle authenticité, suspendant parfois l’élan de son propos pour chercher le mot juste. Derrière sa fine connaissance des réalités de terrain on sent l’homme de convictions, qu’il investit plus volontiers dans l’action que dans le discours.

Entretien réalisé par Alain Dionneau le 30 mars 2018

A suivre la semaine prochaine : « Quel avenir pour notre tissu scolaire en Périgord Nontronnais ? »