jeudi 3 mars 2022

Le secret professionnel est-il opposable au maire?

 Lettre ouverte et pour information aux  élu(e)s de ce village de Saint-Saud- Lacoussière.
Le secret professionnel est-il opposable au maire ou l’un de ses adjoints dans votre commune ?

A - Principe du Secret Professionnel

 
Le secret professionnel est un principe qui tire ses sources dans les fondements démocratiques de notre société, et pour cela, il semble nécessaire au préalable de définir le sens du secret professionnel dans la société d’aujourd’hui, et d’expliquer les raisons pour lesquelles il a paru nécessaire au législateur de 2007 de réorganiser celui-ci dans le sens d’une plus large ouverture vers la communication d’informations. .. suite

B - Un concept  adapté aux évolutions des secteurs social et médical

L’information couverte par le secret professionnel ne peut donc être communiquée à quiconque par le professionnel, et le Code pénal, dans sa rédaction de 1992, n’y prévoyait aucune exception, hormis le signalement à l’autorité judiciaire dans le cas d’infractions ou de situations de danger nécessitant des mesures de protection (notamment dans le domaine de la protection de l’enfance ou en vue de mesures d’incapacité juridique).  suite

 C - Le partage des informations à caractère secret

  Depuis quelques années, plusieurs textes autorisent le partage de l’information. Cependant, et sans que cela soit expressément précisé par les textes, il semble que la jurisprudence traditionnelle qui distingue le secret absolu du secret relatif doive toujours être respectée. En effet, sont couvertes par le secret absolu car nécessitant une protection particulière au vu des enjeux que nous venons de voir, les informations concernant la santé (par exemple les diagnostics médicaux), la sexualité (homosexualité, hétérosexualité et autres infidélités), les origines ethniques et les opinions politiques, syndicales, religieuses et philosophiques des personnes, informations en tout état de cause protégées par la loi Informatique et libertés du 6 janvier 1978. L’information partagée ou transmise ne peut (sauf pour ce qui est de la santé entre professionnels de soins) concerner ces éléments inhérents au corps ou aux appartenances, mais peut désigner des faits (actes de violence, l’évaluation du danger, du risque ou de l’urgence, etc.) On ne peut dire ce qu’il est, mais ce qu’il fait.

D - Cas de figure autorisant désormais le partage de l’information

    ... suite

 

 E - Les élus, peuvent-ils partager les informations avec leurs équipes ou administrés ?


De là se pose donc la question de savoir si les élus et a fortiori les chefs de service et les cadres de l’action sociale peuvent avoir accès à ces informations. La question est d’actualité. 


En effet, partant de l’effet d’annonce de la loi, nous avons pu observer que certaines commissions du secteur social et médico-social ont été élargies à des professionnels (souvent de formation purement administrative) venant d’organismes extérieurs, tels les mairies ou les C.C.A.S, à qui la connaissance des difficultés sociales des personnes pourrait être « utile ».


L’examen des nouveaux textes montre clairement que c’est interdit, puisque le partage de l’information n’est possible qu’au sein d’une même équipe de travail, et à l’égard des professionnels auxquels l’information est « strictement nécessaire » à la mission de leur institution, ce qui exclut le partage avec d’autres organismes auxquels cette information « pourrait peut-être servir ». À cet égard, la loi nouvelle est, contrairement aux idées reçues, plus restrictive encore que la Convention européenne des droits de l’Homme.

 
Admettre des professionnels extérieurs au sein des commissions revient à mettre l’équipe en difficulté puisque chaque information transmise par eux constitue dès lors une violation du secret .


Ce même raisonnement pourra être appliqué à l’égard des élus, chefs de service et cadres « extérieurs » à la situation comme aux membres du conseil d’administration d’un établissement, qui par définition ne sont pas partie prenante à l’évaluation des situations, la détermination des mesures d’action sociale nécessaires ni à leur mise en œuvre. Le simple fait qu’ils soient chargés de l’organisation du travail ou du financement des actions ne les autorise pas à connaître le fond du dossier.


En revanche, plus que jamais, le chef de service qui demande à un professionnel une information nominative doit lui donner la raison de sa demande, afin d’une part de justifier en quoi elle est prévue par le dispositif légal, et d’autre part pour que le professionnel puisse évaluer ce qu’il peut être nécessaire de lui communiquer eu égard au cadre donné. On retrouve deux notions, élaborées à l’occasion des contrôles des fichiers : celles de finalité claire et celle de proportionnalité des informations sollicitées.


Donner du sens à la demande d’information, c’est aussi respecter le travailleur social de terrain. Rappelons à cet égard la très belle formule de la cour d’appel d’Orléans : « Attendu que si l’assistante sociale se trouve dans un rapport de subordination et de dépendance vis-à-vis de ses supérieurs hiérarchiques, elle doit être, sur le plan du secret professionnel concernant ses activités, considérée comme complètement indépendante à leur égard » .

F - Certains politiques peuvent être destinataires d’informations à caractère secret


Les deux lois précitées de 2007 invitent les travailleurs sociaux à informer le maire et/ou le président du Conseil général de certaines situations. Il ne s’agit pas ici de partage, mais de transmission d’information. C’est à sens unique. Ceci signifie que c’est toujours le professionnel social qui a l’initiative. Aucun texte n’autorise le maire à interroger ni n’autorise, et a fortiori n’oblige, le professionnel à répondre. Rappelons que le secret professionnel est un devoir du professionnel et un droit de l’usager.


À cet égard, nous souhaitons insister sur le fait que la rédaction de la loi pourrait laisser penser au non-juriste que le partage ou la transmission du secret seraient obligatoires. Il n’en est rien. Il est en effet de jurisprudence constante que, malgré le caractère impératif de la rédaction des textes (« il en informe.. ») la transmission de l’information reste facultative car non pénalement sanctionnée. Il est donc dommage que les textes ne disposent pas plutôt « il peut en informer », ce qui serait plus explicite et éviterait de mettre en faute les professionnels par des erreurs d’interprétation.

 

 G – Le maire expressément visé par les nouveaux textes

... suite

 

H - En définitive, quel est le sens de la levée du secret dans le nouveau dispositif ?
 

La multiplication des sources d’information à l’égard du président du Conseil général et du maire, alliée à la pluralité des compétences de ce dernier montrent que le nouveau dispositif a doté ces élus du plus puissant des outils qui soient : l’information. C’est pourquoi nous avons jugé nécessaire de faire le point sur le cadre du secret professionnel, qui doit rester un outil de protection de la dignité de la personne, enjeu fondamental de toute démocratie.
Juridiquement parlant, des dispositifs sont destinés à éviter des débordements. 

...suite

 I - Conclusion


Mesdames et Messieurs  les élu(e.s) de Saint-Saud-Lacoussière, le secret professionnel est-il un enjeu essentiel de démocratie.

 
Sommes-nous  plus efficace en ne respectant pas la loi et en ne respectant pas les personnes ? 


N.B : c’est vrai que pour l’édile de ce village,  les lois sont pour les cons de la ville (propos tenus devant témoin).


Nous ne le pensons pas.


Afin de prendre, en conscience, sa décision de transmettre une information, le professionnel doit connaître les éléments lui permettant de faire son choix :


    • s’il s’agit de la prise en charge de la personne au sens d’une aide ou d’une action sociale, le Conseil général est en principe compétent, sous réserve de certains pouvoirs communaux particuliers ;


    • s’il s’agit d’apporter des limites à son comportement en partant vers une action policière, le signalement pourra se faire au maire ou directement aux services de police ;
    • si c’est une visée répressive qui est recherchée, le procureur de la République pourra être destinataire du signalement ;


    • le professionnel pourra également décider de garder l’information pour lui si l’urgence ou la gravité ne le contraint pas à l’action ;


    • enfin (et c’est souvent la meilleure solution), il pourra en parler en équipe restreinte ;


    • en tout état de cause, il devra agir en cas de péril.

 

C’est dans ce contexte que le secret, destiné à respecter la vie privée des personnes, devient un enjeu de la démocratie ; et le professionnel de l’administration, du secteur médical ou de soin d’en défendre la valeur, puisque c’est ce secret qui signe la dignité de sa profession. 

 (Fausses informations, désinformation, divulgation du secret professionnel à la brasserie du village, divulgation de la vie intime de certains administrés qui dérangent, demande d’espionnage sur ses clients à l’un des commerçants).

...suite

 Dominique Baucher - Saint Saud Lacoussière