dimanche 10 mars 2019

En nontronnais : accueil et solidarité au quotidien.


Le 19 février, j'ai rencontré Brigitte, bénévole auprès des réfugiés à Nontron.

Nontron a accueilli, depuis 2015, quelques familles de réfugiés qui ont quitté leur pays en guerre. Après un long parcours difficile, dans des conditions précaires  (quelquefois jusqu’à un an dans des camps de réfugiés ici et là), elles ont été installées à Nontron par des associations d’insertion comme Aurore ou France Terre d’Asile.
Les familles sont suivies, aidées (elles touchent le RSA pendant un an) pour permettre leur insertion dans notre société. Les hommes sont accompagnés pour trouver un emploi. Pas toujours facile quand on était maçon et qu’on est handicapé par une blessure de guerre. Il faut se reconvertir. Et, pour cela, d’abord apprendre le français.
 
Les enfants qui sont scolarisés (les plus grands) vont vite apprendre. Quant aux adultes, ils bénéficient de 3 mois de cours de français dispensés par l’Apare ( (Association périgourdine action recherche sur l’exclusion).
Ce sera juste suffisant pour commencer à se débrouiller au quotidien.

Alors, c’est là qu’interviennent les bénévoles, comme Brigitte, qui vont les aider à vraiment se familiariser avec la langue et notre façon de vivre ; qui vont accompagner les enfants scolarisés en soutien scolaire ; qui vont aider les adultes à accomplir les démarches administratives, par exemple, ou les aider à trouver un médecin en cas de besoin.
Une solidarité, une humanité qui est spontanément jaillie d’une interrogation simple : Et si c’était moi ? Et si je m’étais retrouvé dans cette situation ?
    

Comment en es-tu venue à faire ce bénévolat? depuis quand?

C’est parti d’une réunion, en 2015, avec appel à bénévoles, organisée par la mairie de Nontron à l’occasion de l’arrivée de deux familles syriennes (j’étais à la retraite depuis peu et très disponible !)

L’Association qui accueillait n’a pas donné suite et il a fallu que j’aille à la pêche aux renseignements et que je me présente dans les familles (situation très inconfortable, eux ne parlant pas français et moi pas arabe !!)

J’ai « démarché » toute seule pendant un an et demi ! Aujourd’hui, nous (les bénévoles) nous ne sommes pas organisés en association. Trop de paperasse et de réunions ! mais ça nous permettrait peut-être d’avoir des aides financières.. ?? quoique…


Qui est-ce qui coordonne tout ça alors ?


Un comité de pilotage. Aujourd’hui par exemple, on a eu une réunion avec le sous-préfet (très actif semble-t-il et intéressé – il doit porter notre parole à Paris demain et on compte sur lui !!!), 5 représentants de la mairie, 2 représentants de la gendarmerie, 1 de la DDCSPP (direction départementale de la cohésion sociale et de la protection des personnes), 1 du Centre Médico Social, les 3 directeurs d’écoles, 1 bailleur social (Dordogne Habitat), 3 représentants d’œuvres caritatives.
Il y a également 4 représentants des Associations Aurore et France Terre d’Asile. Ils installent les réfugiés et les accompagnent pendant un an. Mais aujourd’hui, ils étaient tous absents. On se retrouve parfois seuls sur le terrain...  
Participent aussi au comité de pilotage la directrice et l’enseignante de l’APARE  (association qui finance les cours de français), et enfin une seule bénévole invitée (moi). Aujourd’hui, je me suis permis d’inviter une autre bénévole parce que la tâche devient trop lourde pour moi toute seule...



L’enseignante de l’Apare donne des cours plusieurs fois par semaine?

Elle a assuré les cours à raison de deux jours par semaine (6h par jour) depuis mi-décembre et jusqu’à mi-mars avec interruption pendant les vacances.  


 Combien de bénévoles gardent les plus jeunes enfants pendant les cours?
Disposez-vous d’une salle et de matériel pour les occuper?

On est une quinzaine de bénévoles: Sylvie, Yvon, Christophe, Marie-Noëlle, Annie, Cécile, Violaine, Françoise, Bernadette, Blandine, Virginie, Carla, Sophie, Menad…

8 bénévoles s’occupent de garder les enfants non scolarisés. Mais il y a aussi 7 bénévoles qui effectuent le soutien scolaire au domicile des réfugiés. On a une salle et quelques jeux mis à disposition par la mairie. Et, bien sûr, les jeux apportés par les bénévoles. La salle a été rénovée par la mairie. On a des matelas pour la sieste, une table basse et des petites chaises.
Nous sommes allées (ma belle sœur et moi) au RAM (relai assistantes maternelles) et les enfants se sont « éclatés » ! Nous y retournons le 7 mars et essaierons d’y retourner avec les mamans et(ou) les papas quand les cours seront finis.



 Combien de réfugiés suivent actuellement les cours? Des hommes/des femmes?

Il y a 7 adultes ( 3 hommes et 4 femmes) qui suivent les cours actuellement sur 9 inscrits initialement (2 sont hébergés sur Thiviers et n’ont pas de moyen de se déplacer sur Nontron).

Et les enfants, combien sont scolarisés?

3 en maternelle
9 en primaire
6 au collège
Et 1 enfant de 7 ans handicapée qui devrait aller à l’école de St Martial (parce qu’il n’y a pas d’escalier !) après les vacances.


Quelles sont les familles arrivées à Nontron?

5 familles :2 de Syrie
                 2 du Soudan
                1 de République Centre Africaine



Personnellement, tu t’occupes du soutien scolaire au domicile de 2 familles?

Oui. Avec mon frère, nous intervenons dans les 2 familles syriennes. Le  lundi dans une famille et le jeudi dans l’autre. Depuis un an pour mon frère, deux ans pour moi. On n’est pas assez nombreux, on a refait un appel à bénévoles et une réunion pour organiser ça.



Est-ce que tu as une anecdote qui t'a marquée plus particulièrement ?

De quoi écrire un roman depuis deux ans et demi que je les côtoie ! mais surtout le plaisir de rire avec les enfants, d’enseigner passionnément la lecture ou les mathématiques et même l’histoire ou les sciences avec un seul enfant à la fois (ça, pour une enseignante, c’est le pied !!!), de lire les livres de bibliothèque, de me faire interpeler dans la rue quand les enfants ou les adultes me voient, de partager un repas avec les familles, de les recevoir chez moi...J’en ai emmené plusieurs au moulin voir comment on fait de l’huile de noix. Mais il faudrait un bus !


J’ai souhaité interviewer Brigitte parce que je crois qu’il est utile de donner un autre éclairage sur l’arrivée des réfugiés (et leur prise en charge) que celui que l’on voit dans les media. Toujours trop négatif.
Comme les bénévoles sont des gens discrets et modestes, on sait peu de choses sur la solidarité qui s’exerce tout près de nous, au quotidien. 

Patricia Huret- Champniers et Reilhac


Pour illustrer cet article, voici un texte paru dans la revue du théâtre de Saint-Junien (Haute-Vienne) :

Incroyable !!
C’est une nouvelle complètement imprévue, le gouvernement a choisi Saint-Junien pour accueillir 3335 réfugiés et Rochechouart 1500 exilés (d’autres communes proches sont aussi mises à contribution). Ces réfugiés n’ont le droit d’emporter que 30 kilos de bagages, 4 jours de vivre et ont abandonné leurs autres biens. Ces réfugiés sont arrivés très affectés d’avoir laissé tout derrière eux et les habitants de Saint-Junien découvrent avec stupéfaction qu’il est impossible de communiquer avec nombre d’entre eux (barrière de la langue).
Ces événements sont totalement réels mais ils ont eu lieu en septembre 1939. Le gouvernement français, en se préparant à la guerre contre l’Allemagne, a décidé d’évacuer une grande partie de l’Alsace (430 000 alsaciens sont déplacés). Les alsaciens parlaient principalement l’alsacien. Ce sont des habitants de Schiltigheim qui sont venus se réfugier dans ces deux communes (et qui sont restés presque un an pour nombre d’entre eux ou même définitivement). 


Des réfugiés en 1939 ont aussi été accueillis partout en Dordogne : à Nontron, à Piégut...et d’autres villages.