La région Nouvelle-Aquitaine prétend consulter les jeunes de 15 à 25 ans entre le 26 janvier 2022 et le 16 février 2022. Cela semble une très bonne initiative et j'ai déniché quelqu'un qui y a répondu.
Verdict de ma part : la région se moque de sa jeunesse.
Je m'attendais à une de ces consultations avec beaucoup d'expression libre, éventuellement encadrée par des grands sujets comme cela se fait souvent.
La présentation stipule :
”Au sein de cette concertation vous pouvez :
- émettre une proposition
- lire les propositions déjà publiées
- voter pour des propositions existantes
-noter des propositions ”
en dessous un gros bouton rouge ”Participer à la concertation biodiversité” qui mène à https://participez.nouvelle-aquitaine.fr/processes/biodiversite-1525 avec deux onglets ”Présentation” et ”Questionnaire”
Oui un questionnaire, un banal sondage avec 36 questions, dont les premières 24 sur l'âge, le lieu d'habitation (code postal), des questions générales pour cerner vaguement si la personne sait ce qu'est la biodiversité etc. Puis vient la section ”comment agir” avec 6 questions et ”s'engager ensemble” encore une fois 6 questions.
Pour garantir que rien ne bouge, je conseillerai aux jeunes de cocher à la question 26 ”Qui doit selon vous agir en priorité ? (3 choix maximum)” l'état. Au moins au sera certain que rien ne change. Je blague. Mais je ne sais pas si la question est pertinente. Voici la liste des réponses possibles.
- L’Etat
- Les collectivités territoriales (Région, Départements, Communes…)
- Les associations
- Les entreprises
- Les agriculteurs, forestiers, pêcheurs,…
- L'Education Nationale
- Les chercheurs
- Le citoyen, les collectifs de citoyens
- Je ne sais pas
Tout à la fin, il y a la possibilité d'un commentaire libre.
Après la lecture de l'article du blog qui informe sur la consultation,
j'ai regardé le webinaire et j'ai téléchargé les documents sur la stratégie biodiversité sur cette page https://www.nouvelle-aquitaine.fr/les-actions/transition-energetique-et-ecologique/biodiversite/strategie-regionale-pour-la-biodiversite
Puis j'ai rédigé le texte que vous trouverez ci-dessous.
Bonne lecture.
Avoir quinze ans et apprendre que la biodiversité est menacée
Dans le cadre de la ”stratégie régionale pour la biodiversité,” la Nouvelle Aquitaine lance une opération séduction en direction des jeunes de 15 à 25 ans. Elle prétend vouloir connaître l'opinion et les propositions de solutions de la jeune génération face à l'effondrement de la biodiversité.
Il se trouve qu'à mes quinze ans le rapport ’les limites de la ressource” du Club de Rome est sorti. Naïvement, je pensais qu'il produirait un effet, surtout que peu après il y avait la première crise pétrolière.
A vingt ans, je suis venue, pour la première fois, dans ce qui allait un jour devenir le parc naturel régional Périgord-Limousin. A l'époque, les chauves-souris survolaient par dizaines la cour d l'ancienne ferme. Quand je me suis définitivement installée à cette endroit, dix ans plus tard, je n'en voyais que très peu Toutefois, nous avions encore beaucoup de papillons différents. Il n'y en a pratiquement plus non plus en 2022.
J'avais quinze ans, il y a cinquante ans. Actuellement, des responsables politiques et quelques jeunes activistes accusent ma génération d'avoir négligée d'agir. Permettez-moi de douter. Depuis cette époque, il y a eu régulièrement des mouvements, manifestations pour l'environnement, sans résultat probant sur la gouvernance des pays.
Cet appel à la jeunesse, sera-t-il suivi d'effets ? Là aussi, permettez-moi de douter.
J'ai plusieurs raisons pour être pessimiste. Je liste ci-dessous quelques uns dans le désordre.
Nous vivons dans un monde complexe avec des interconnexions globales. Tant qu'il y a des intérêts financiers de groupes multinationales, nous, les petits particuliers dans notre petit coin de campagne ne pourrons pas faire grand chose. Si nous nous opposons à un énième projet ”d'aménagement” qui détruirait notre environnement proche, on nous dit que c'est dans l'intérêt général, d'ailleurs c'est fait pour “sauver le climat.“ La nature n'a qu'à s'adapter.
Le groupe ”les jeunes” n'existe pas. Il y a certaines personnes, jeunes et moins jeunes, qui sortent la bombe d'insecticide dès que la moindre mouche, le moindre moustique entre dans l'habitation et comme la terre est basse, les désherbants sont les bienvenus. En même temps, les mêmes sont capables de se lamenter qu'il y a de moins en moins d'oiseaux chanteurs. Ils n'ont pas réalisé qu'ils tuent les êtres dont ces oiseaux se nourrissent.
D'autres prétendent aimer les oiseaux. Mais pas tous les oiseaux. Pas les étourneaux et choucas des tours dans leurs dortoirs. Franchement, inadmissible le boucan de ces sales bêtes au coucher et au lever du soleil. D'ailleurs, j'ai entendu la même remarque au sujet d'un couple de chevêches d'Athéna au mois de mai.
La région incite les agriculteurs à replanter des haies, à sauvegarder les mares. Résultat dans mon environnement proche : des jeunes agriculteurs arrachent toutes les haies que leurs prédécesseurs n'avaient pas saccagées. Réponse une, “cela repoussera.“ Réponse deux : “Je reçois des subventions suivant la surface de mes prés. Cette surface est calculée par images satellites. Les haies font de l'ombre et sont donc exclues de la surface. Si je ne veux pas perdre de l'argent, je suis obligé de les couper.“ J'ai l'impression qu'il y a un problème de sensibilisation aux enjeux de l'environnement et de la biodiversité dans la formation des agriculteurs et une dérive productiviste dans l'attribution de certaines subventions.
Certains activistes pour le climat accusent les habitants de secteurs menacés par des projets d'éoliennes géantes ou de projets photovoltaïque en lieu et place d'une forêt existante, de sales égoistes qui ne pensent qu'à leur gueules. Voyons. C'est qui qui passe sa journée à consulter son smartphone, à regarder des vidéos en streaming et consomme donc l'électricité? (D'après une étude le secteur numérique captera 51 % de l'électricité mondiale en 2030, demain donc[1]) Visiblement, ces activistes n'ont pas encore compris qu'il n'y a pas que le climat. N'ont pas réalisé que ces éoliennes ”bon pour le climat” nécessitent une quantité impressionnante de béton et que le sable qu'il faut pour sa fabrication commence à manquer, que ce béton sera peut-être coulé là où il se trouvait une zone humide, que la disparition de ces zones humides entraînera des problèmes en cascade, et pas uniquement à l'endroit où seront érigé les machines. Deux exemples : comme l'eau ne sera plus stocké dans le sol, il y aura plus de sécheresses, comme cette eau s'écoulera directement dans les cours d'eau par périodes de fortes pluies, les villes en aval auront des inondations plus nombreuses et plus sévères. Les industriels qui sont à l'origine des ces projets nient en bloc. Et n'oublions pas qu'il faut beaucoup de matières premières pour la construction des éoliennes et panneaux photovoltaïque. Une personne m'a répondu que ce n'est pas grave, car les dégâts environnementaux, les mines à ciel ouvert etc. se trouvent loin de chez nous.
Que dire de cet ancien ministre de l'écologie qui pense que les arbres génétiquement modifiés seront LA solution pour faire face au dérèglement climatique ? Il a demandé aux animaux s'ils voudront vivre dans et sur ces arbres ? Non, probablement, pour lui un insecte est d'office un nuisible qui diminue la valeur de l'arbre une fois coupé. Car un arbre doit être ”rentable” on le laisse pousser le moins longtemps possible pour ”valoriser” son bois.
Que penser de ce spécialiste qui est tout fier d'avoir inventé un navire vertical pour explorer les eaux profondes autour de l'Antarctique et qui trouve tout à fait normal les projets d'exploitation des minerais qui se trouvent dans les profondeurs des océans ? D'après lui, aucun problème, il faut bien que nous ayons des matières premières pour construire les batteries lithium des voitures électriques et les matières rares pour construire les smartphones. Aucune mise en cause de notre mode de vie.
Plus près de chez nous, le projet d'éoliennes offshore à côté de l'île d'Oléron.sur 300 km2 en zone Natura 2000. La stratégie pour la biodiversité note que notre région n'a que 0,5 % de zones naturelles protégés au lieu des 10 % souhaités. Et cette même région veut faire d'une des trop rares zones protégés une grande zone industrielle !
Conclusion : Nos dirigeants et industriels se moquent de la population et pour faire croire qu'ils se soucient de l'avenir, ils font semblant de demander avis et conseil à la jeunesse actuelle.
Ne nous faisons pas d'illusions comme il y a cinquante ans, il n'y a aucune volonté de changer quoi que ce soit dans notre mode de vie consumériste capitaliste. La preuve : il faut toujours de la croissance économique. Pour se donner bonne conscience on a juste ajouté le mot ”vert.” Cela ne change rien, une croissance illimitée est impossible dans un monde limité.
Après nous le déluge et tant pis pour mes petits enfants qui vivront dans un monde hostile.
Sigrun Strunk, Javerlhac (département de la Dordogne), ancienne jeune et de plus en plus révoltée
[1] https://balises.bpi.fr/les-data-centers-13-de-la-consommation-energetique-mondiale-en-2030/
Sigrun Strunk- Javerlhac