mercredi 21 mai 2025

Café Pluche: Psychiatrie en milieu rural (Périgord Ribéracois).

Compte rendu du café citoyen d'avril.

Nous sommes une vingtaine de participants pour accueillir quatre intervenants :

Robert HUET, médecin psychiatre du secteur privé, « humaniste » comme il se définit, psychanalyste, en prolongation d’activité à Ribérac et à Paris,

Sophie SEEBERGER, psychothérapeute du secteur privé, psychanalyste,

Laurence POMIAN, infirmière du secteur public de l’équipe de liaison d’addictologie des Centres Médicaux Psychologiques (CMP) de Ribérac et de La Roche-Chalais

Karine BERRY, infirmière spécialisée en santé mentale du secteur public au CMP de Ribérac, en binôme avec Karine FERRON. Elle insiste sur l’accueil inconditionnel de toute personne de plus de 17 ans en CMP et CMPP. Son rôle consiste à évaluer la situation des patients (au CMP ou à domicile) et à les orienter vers le médical public, ou une psychothérapie, ou un suivi infirmier.

Il est rappelé en préalable qu’un psychiatre est un médecin spécialisé, un psychologue est titulaire d’un diplômé d’Etat, un psychothérapeute pratique une psychothérapie, il peut être médecin ou psychologue. Un psychanalyste a par principe suivi une analyse personnelle et une formation. La psychiatrie publique est sectorisée en France, cela veut dire que, si l’on s’adresse au service public, on ne peut pas aller n’importe où, mais qu’en fonction de son lieu de résidence, on dépend d’une annexe hospitalière publique : les CMP.

Notre territoire rural est plutôt bien doté en structures, mais pas en personnel médical. Le temps d’attente pour un rendez-vous au CMP de Ribérac y est toutefois plus court qu’en ville ! La psychiatrie s’appuie sur deux composantes : un service public gratuit, via les antennes hospitalières des centres médicaux psychologiques et psychopédagogiques - deux infirmières et un médecin psychiatre présents à Ribérac et à La Roche Chalais -, et un secteur privé payant avec quelques médecins psychiatres (très peu en fait), des psychologues et quelques psychothérapeutes.

La psychiatrie est une spécialité fragile qui n’attire malheureusement pas les jeunes médecins, malgré l’ouverture récente du numérus clausus, et davantage de science humaine dispensée en médecine générale. Cette spécialité est pourtant très riche, tous les intervenants reconnaissent l’intérêt du travail en équipe, indispensable en psychiatrie, notamment avec les médecins généralistes, souvent premiers prescripteurs des CMP. Cependant la psychiatrie reste le parent pauvre de la médecine. 2025 a pourtant comme cause nationale la psychiatrie ! 

Les médicaments sont trop largement administrés par manque de suivi humain (parce ce que pas ou peu de psychiatres). Bien que nécessaires dans beaucoup de cas, comme pour les troubles anxieux qu’ils apaisent, tous ont des effets secondaires.

D’autres techniques (sophrologie, hypnose, art thérapie, psychothérapie) peuvent s’avérer utiles au patient pourvu que cela améliore son état. Il convient toutefois d’éviter les charlatans qui restent la bête noire de la médecine traditionnelle. Mais finalement, tous les chemins sont bons pourvu qu’on prenne soin de soi.

Autre enseignement issu de ce débat, les effets du Covid ont profondément dégradé la santé mentale en France, notamment chez les jeunes, absence de traitement et de suivi de par le confinement, suivi d’une explosion de la toxicomanie, même en Ribéracois.

Il y a toutefois des messages positifs : le remboursement par la sécurité sociale de 10 séances de psychologue gratuites, a donné de très bons résultats à tel point que cette mesure pourrait être étendue aux psychothérapeutes, c’est en discussion mais n’oublions pas que la santé mentale est le premier poste de dépense de l’assurance maladie en France ! En cas de crise aigüe, dépression grave, délire, où le patient refuse l’hospitalisation dite libre, mettant en danger son environnement familial, il est rappelé la possibilité de deux types d’hospitalisation sous contrainte : soit à la demande d’un tiers, famille ou ami, après consultation de deux psychiatres, soit hospitalisation d’office demandée par l’autorité publique, souvent le maire. En cas d’urgence psychiatrique on peut appeler le 3114, et utiliser en amont SOS amitiés ou les services de l’UNAFAM pour les aidants, premières victimes des troubles de la santé mentale de leurs proches.    

Il existe manifestement une rupture d’égalité sociale en psychiatrie, si vous avez plus de moyens, vous avez accès à plus de solutions. Bien que grande cause nationale en 2025, la psychiatrie reste encore en France une médecine à deux vitesses.

Enfin des familles présentes témoignent et déplorent pour certaines l’absence de suivi post hospitalisation, les familles et les patients se retrouvant livrés à eux-mêmes, sans suivi ou rendez-vous avec un médecin pendant des semaines. On constate que, faute de moyens, la prise en charge lourde (hospitalisation au centre hospitalier de Vauclaire à Montpon) est plus facile et plus rapide quand les patients sont en crise, mais que les moyens de prévention des troubles mentaux manquent. Il faudrait accompagner les patients quand ils vont encore bien… Il convient donc de se rappeler qu’on a tous une structure mentale qui, un jour, peut se déstabiliser, suite à un événement ou un traumatisme (aucune famille ou personne n’est à l’abri) et qu’une maladie mentale est une maladie qui se soigne. Il convient de la prévenir par une bonne hygiène de vie, des relations sociales nombreuses et épanouies, une activité physique régulière...même si bien sûr ce n’est pas si simple !

Jean-Luc PUJOLS, animateur de ce café-citoyen, administrateur du CDD Périgord Vert

Robert HUET, psychiatre intervenant, membre du CDD Périgord Vert