mercredi 21 mai 2025

Café Pluche : La méthanisation des déchets verts de l’agriculture

 Les méthaniseurs

Le groupe ribéracois du Conseil de Développement Durable du Périgord Vert et le Café Pluche ont donné rendez-vous à leurs adhérents et contacts, au Café Pluche, le 2 mai 2025, pour débattre du sujet de la méthanisation.

Paul Brejon accueille la vingtaine de participants, en rappelant le rôle du CDD, avant de passer la parole à nos deux intervenants qui ont initié et qui gèrent des projets de méthaniseurs à la ferme : Jules Charmoy, ingénieur agricole et agriculteur à Saint Aquilin (GAEC des Charmes) et Thierry Guérin, agriculteur, éleveur de vaches laitières à Beaumontois-en-Périgord, qui, avec ses frères, s’est lancé dans la production de biogaz issu de la méthanisation.

Jules Charmoy expose les objectifs de la CUMA dont il est président : autonomie protéique destinée à l’élevage, autoproduction d’énergie pour la ferme (biocarburant, électricité, chaleur), autonomie de la fertilisation. 

Les sources d’approvisionnement locales sont variées : création de micro plateformes de compostage de déchets alimentaires, effluents d’élevage, ensilage, petit lait, déchets d’huile végétale.

La méthanisation, aussi appelée digestion anaérobie, est un processus naturel de fermentation de la matière organique, produisant du méthane : c’est le fonctionnement digestif de la vache. Les bactéries anaérobies transforment la biomasse organique en molécules simples CH4, CO2, H2S, NH3, H2

Cette fermentation durant deux semaines produit du biogaz et un résidu appelé digestat. Cette énergie ainsi produite se substitue à l’énergie fossile.

Autrefois, 40% de la production de la ferme était destinée à l’énergie (bœuf, cheval, chaleur).

En Ribéracois, zone dite vulnérable car polluée par les nitrates, on maintient le fumier sous bâche pendant six mois, le protoxyde d’azote N2O (gaz hilarant) étant transformé en azote ammoniacal moins polluant. La déprise agricole permet d’ensiler 200 ha d’herbe destinée au méthaniseur. Une culture intermédiaire à vocation énergétique (CIVE) est une culture implantée et récoltée entre deux cultures principales dans une rotation culturale. Les CIVE sont récoltées pour être utilisées en tant qu'intrant dans une unité de méthanisation agricole.

La valorisation du biogaz produit (CH4) se fait via un cogénérateur, qui produit pour moitié de l’électricité (350 kW, correspondant à l’alimentation d’une soixantaine de foyers) et pour moitié de la chaleur utilisée pour le séchoir multiservices.

Thierry Guérin est un agriculteur installé sur 300 ha avec ses deux frères, ses trois neveux et six salariés. La ferme a plusieurs productions : céréales, semences, luzerne, 30 ha de noyers, 100 vaches laitières et un élevage de canards.

En 2000, année de crise laitière, il a l’idée de valoriser les effluents d’élevage sur le modèle de l’Allemagne où il se rend. En 2011, sa première unité de méthanisation de 500 kW produit de l’électricité et de la chaleur pour le village de 6 logements.

Une deuxième unité de méthanisation de 1000 kW permet l’installation de ses neveux. Le gaz à 98% de pureté après filtration du CO2 rejeté dans l’atmosphère, est injecté dans le réseau GRDF, à proximité de la ferme.

Les photos nous montrent ces imposantes unités dont l’une est semi enterrée.

L’alimentation du digesteur comprend un tiers d’effluents d’élevage, un tiers de CIVE d’hiver (couvert végétal de triticale) et un tiers de déchets d’industries agroalimentaires locales (tomates d’aquitaine, maïs doux, petits pois, haricots verts).

Le biogaz alimente un moteur entrainant une génératrice d’électricité injectée sur le réseau EDF. …). La chaleur fatale récupérée est orientée vers une citerne/batterie et aliment notamment un petit réseau de chaleur.

Le digestat est utilisé comme engrais de substitution : liquide, il est épandu via le réseau d’irrigation, et solide, il est épandu mécaniquement.

Le biocarburant est utilisé pour les tracteurs, le poids lourd ainsi que pour les véhicules. 

Notre intervenant nous rappelle les fondamentaux de la stratégie de développement de sa ferme : autonomie alimentaire de l’élevage et autonomie énergétique territorial.

Intervention du public : Quelques personnes manifestent leur inquiétude face au projet de la SCAR, aujourd’hui suspendu, de grosses unités de méthanisation, prévu à Saint Séverin en Charente, projet concernant douze communes, avec des nuisances potentielles : rejet de CO2, alimentation des unités nécessitant le transport routier des CIVE, cultures spécifiquement dédiées, acceptabilité sociale et  environnementale, pollution des sols, émission de gaz à très grand effet de serre (protoxyde d’azote N2O). Les deux intervenants, forts l’un et l’autre, d’une expérience sur plus de 10 ans, tentent (sans doute en vain) de rassurer. 

Pionniers dans leur domaine, et animés de conviction forte sur l’évolution de leur métier et les enjeux d’autonomie alimentaire et énergétique, les deux intervenants sont chaleureusement remerciés. 


Restitution de Michel Cellier, administrateur du CDD Périgord Vert