Dans la perspective des municipales 2026 et le rôle du "citoyen" en Périgord vert, il m'a semblé opportun de partager les réflexions ci-dessous.
Richard Maillefer- St Sulpice d'Exideuil
« Citoyens » et démocratie.
Résumé d’après un entretien avec Jessica Sainty, politiste spécialiste des comportements politiques, Université d'Avignon (extrait de : https://democraties.media/les-citoyens-qui-veulent-participer-une-petite-minorite/ )
Selon vous, existe-t-il une demande sociale de participation ?
Il n’est pas certain qu’un grand nombre de citoyens ait envie de participer. Les dispositifs institutionnalisés de participation mobilisent grosso modo 1 % de la population d’un territoire et la plupart des citoyens ignorent leur existence. Un petit groupe de chercheurs dont je fais partie a tiré ces conclusions d’une étude menée de 2009 à 2015. Ces entretiens collectifs montrent que la grande majorité des personnes ne sont pas satisfaites de notre système politique mais qu’elles y sont résignées. Les critiques sont fortes et largement partagées mais elles sont accompagnées d’une sorte d’acceptation, de la conviction qu’il n’y a pas d’alternative et que la situation actuelle va perdurer.
Y a-t-il davantage de demande de participation à l’échelle municipale ?
Lors des élections municipales de 2020, cette expérience a essaimé et environ 350 listes citoyennes se sont présentées partout en France. Mais ces expériences novatrices mobilisent des personnes déjà convaincues, politiquement engagées en marge des partis traditionnels. En tout état de cause, la présence d’une liste citoyenne dans certaines villes n’a pas suscité une plus forte participation électorale. De façon générale, la participation au scrutin municipal de 2020 a connu un fléchissement important : elle a été la plus faible de la Cinquième République.
Pour autant, les citoyens ne se tournent pas vers les espaces participatifs créés par les collectivités ?
Les Conseils de quartiers, les Conseils citoyens ou les autres dispositifs de ce type doivent perpétuellement rechercher des participants pour suppléer les départs de ceux qui ne voient plus où cela les mène,vite découragés par des élus qui passent leur temps à définir le périmètre de la participation autorisée. Or, pour beaucoup d’élus, la participation citoyenne doit venir en soutien à leur projet politique. Les décideurs publics préfèrent laisser aux citoyens un espace limité et leur demandent de soumettre des projets. Les citoyens en sont ainsi réduits au rôle de pourvoyeurs d’idées. Il faut mesurer la contradiction qu’il y a entre le côté étriqué et normalisé des dispositifs de participation citoyenne et l’ambition qu’on leur attribue, qui est de recréer du lien entre les élus et la population.
Est-ce que cela signifie que les citoyens ne s’intéressent pas à la politique ?
Cela ne signifie pas que les gens ne s’intéressent pas à la politique, on le voit lors des mouvements sociaux : celui des « gilets jaunes » ou ceux qui se sont manifestés à propos du « pass vaccinal » ou du mariage pour tous. sans parler, en 2023, de la plus importante mobilisation sociale contre la réforme des retraites que l’on ait connue depuis 1995… Quand les gens se sentent concernés, ils agissent. Mais ces formes de mobilisation ne sont évidemment pas encouragées par les pouvoirs publics et certaines réactions, comme la répression policière ou la délégitimation des mouvements sociaux, si elles s’installent durablement, pourraient conforter les citoyens dans l’idée que rien ne peut changer, ce qui contribuerait encore au fatalisme ambiant.
Quelle est la part de responsabilité des professionnels du secteur dans les constats que vous faites ?
La professionnalisation du secteur de la participation a donné naissance à des outils clés en main, comme les budgets participatifs ou d’autres dispositifs. Il faut bien reconnaître que pour les collectivités, cela constitue un gain de temps appréciable, mais cela conduit aussi à une certaine standardisation des pratiques. Ce sont les décideurs publics et l’administration qui déterminent quelle place ils consentent à laisser à la démocratie participative.
Quelle place pour la participation dans l’avenir ?
Je constate simplement aujourd’hui une déconnexion préoccupante entre les citoyens et les politiques, à laquelle la participation citoyenne, telle qu’elle est mise en œuvre par les institutions, ne peut manifestement pas remédier. Ce n’est pas spécifique à la France et cette fracture laisse le champ libre à des mouvements extrémistes qui menacent le principe même de démocratie, comme on l’a vu aux États-Unis ou au Brésil, ou plus près de nous en Europe. Le contexte n’est pas complètement sombre puisqu’on voit aussi des mouvements citoyens s’affirmer, comme c’est le cas au Chili. La démocratie a donc encore des ressorts. Les citoyens sont parfaitement capables de se saisir de questions importantes et lourdes. Dans les faits, une telle initiative risque d’être inefficace - ou contournée politiquement - si elle n’a pas l’autorité pour garantir aux citoyens un pouvoir décisionnel. La vraie question est celle du partage du pouvoir de décision.