dimanche 10 novembre 2019

Lettre à mon ami Henry, le Beckenbauer de la photo

Bonjour Henri,

J’ai bien noté l’invitation à l’inauguration du nouveau local du Club Photo de Thiviers et je t’en remercie.

La multiplication des clubs photo, suite à la création de celui de Thiviers notamment, c’est une très bonne chose.
L’obtention de la mise à disposition d’une salle par les communes c’est aussi très bien.
Et la réalisation de nombreuses expositions c’est parfait.

A tout cela je n’ai que peu participé, et j’en ai surtout profité.
J’ai à chaque occasion appris quelque chose, j’ai passé des moments conviviaux et j’en suis très reconnaissant à tous ceux que j’ai croisés au cours de ces aventures.
Et en particulier à toi et à Chantal.

Cela étant, tu sais que la photo m’intéresse beaucoup plus pour ce qu’elle représente et permet que pour la façon dont elle a été faite.
Il est certain que mieux elle aura été « réussie », mieux elle sera considérée et mieux elle accompagnera ce qu’elle porte et représente.
Mais c’est « l’image » qui pour moi est essentielle et à travers elle ce qu’il y a d’abord à en penser, et peut-être à en dire, et même parfois, mais c’est plus difficile, à en écrire.

Et parmi les « images » je suis particulièrement attiré par les paysages, également par ce qui les valorise, ou malheureusement les défigure.
Car c’est là pour moi que la photo devient magique car elle permet, en « fixant » le paysage que je découvre, de le mémoriser dans un cerveau externe et ultérieurement de venir y reposer les « impressions » qu’il me semblait avoir perçues au moment où la photo avait été prise.
Mais, contrairement à ce que beaucoup pensent le paysage « que l’on voit », qui pourtant « ne bouge pas », est très difficile à réussir, à « saisir », à « reproduire », à « fidéliser ».

Des paysages, autour de nous, il y en a beaucoup. Il n’y a même que cela si nous nous arrêtons un instant.
A côté, plus loin, à tel endroit ou à tel autre. Et parfois là où nous sommes passés cent fois mais « sans voir ».

Des beaux paysages en général comme se plaisent à le dire la majorité des habitants. A le dire oui, mais à le dire seulement.
Des moins beaux également, parce que « gâchés » par une intrusion, quelques fautes de goût, ou parfois, lorsqu’on prend le temps de les observer, un simple détail.
Moins beaux aussi, et souvent, lorsqu’ils réapparaissent enfermés dans le cadre de l’appareil.

Oui des beaux paysages mais dont certains sont « méchamment » menacés.
Et qui, si cette menace se concrétisait, seraient accompagnés par beaucoup d’autres, et plus encore, de telle sorte que ce serait le territoire entier qui serait impacté.
Et, franchi un certain seuil, il n’y a plus de beaux paysages, seulement des alignements, non alignés d’ailleurs, une forêt de hautes tiges nues et imberbes qui se font des clins d’œil.
Et supplice du photographe avisé, impossible de prendre une photo de ce qu’il voit, plutôt de ce qu’il voyait avant, sans que une, deux, dix, cent tiges ne s’invitent sur sa photo.
Mais ceci n’est qu’un mauvais rêve et de toute façon le photographe avisé est équipé de Photoshop. Il gommera tous ces intrus pour effacer des champs lirréparable outrage.

Je continue de penser que le photographe, professionnel mais aussi amateur, jouit d’une sensibilité particulière à ce qui l’entoure lui permettant d’apprécier avec un petit temps d’avance ce qui est remarquable au sens de singulier. Comme les peintres, les architectes, les inspecteurs Colombo, … et bien sûr les paysagistes.

Et tu sais Henri combien je suis naïf.
Car je pensais tout « naturellement » que les apprentis photographes comme moi et tous les photographes confirmés comme toi allaient se ruer dans les Mairies pour, tels des lanceurs d’alerte, faire observer, en déposant sur le registre d’enquête, combien ce projet de « Ferme éolienne de la Queue d’Ane » était aussi incongru qu’inutile.
Et que ce « petit » écocide, mais répété par milliers, ne passerait pas inaperçu à l’ombre de ces grandes faucheuses défigurant irréversiblement nos précieux paysages.
Ne serait-ce que pour dénoncer la médiocrité et la mystification des photomontages présentés par le promoteur.
Somme toute, apporter son « concours photo ».

Et bien, sous réserve d’inventaire, tu vas être surpris sans doute, mais je n’ai trouvé aucune contribution déposée par un photographe de notre connaissance, même pas de Saint Saud, commune fautive et bientôt victime.
Comme quoi on peut se faire facilement des idées.

Je ne t’accompagnerai donc pas à cette cordiale inauguration et je te laisse le soin de dire à ceux que tu rencontreras combien je suis bien heureux pour eux et très malheureux pour notre environnement et nos beaux paysages.

Mais comme l’a dit un grand philosophe périgordin, la beauté d’un paysage c’est très subjectif.

Certes, mais la laideur, non.
Ce qui est laid, l’est, et pour toujours.


Allez Henri, une dernière «  image » … pour la route !
Voici à quoi ressemble le Périgord Vert pour un promoteur éolien : un grand espace vert, disponible et convertible en cimetière.
Les croix sont fournies à titre de dédommagement.
Le funéraire un marché d’avenir.








Amitiés argentiques.
JC Frasnetti- Chantres- Milhac de Nontron