vendredi 18 mai 2018

Nouvelle déclinaison du Zéro et l’Infini : Le Zéro-phyto et l’Infinie connerie.

(par Jean-Claude Frasnetti- Chantres-Milhac de Nontron)


Chantres est un petit hameau situé au nord de la commune de Milhac de Nontron, en limite de la commune de Saint Pardoux la Rivière.
En son sein il protège une petite chapelle datée du 12ème siècle.

Cette chapelle, très élémentaire, qui se caractérise principalement par son équilibre naturel, s’intègre parfaitement dans son environnement discret et bocager.

Sa simplicité ne demande aucun aménagement complémentaire puisqu’elle revendique, par sa modestie, se suffire à elle-même.
En cela elle est tout à fait emblématique du Périgord Vert dont la beauté repose pour l’essentiel sur l’équilibre et la sobriété de ses paysages et la quiétude et le sentiment de plénitude qui en découlent.

Tout est beau chez elle, il n’y a rien à jeter … et surtout rien à ajouter.

Le hameau comprend une quinzaine de maisons dont une seule n’est pas occupée. Elle jouxte la chapelle. Mais elle est conservée et ses abords entretenus régulièrement. Les habitants permanents ne sont qu’une dizaine mais toutes les habitations sont visitées au moins une fois par mois. Le hameau est donc très vivant et les habitants très attachés à son atmosphère et à son environnement.

Le matin du 24 avril 2018 notre attention a été attirée par des mouvements de camions et d’engins, des poses de panneaux de restriction de circulation, l’entreposage de ciment et de sable, bref une activité très inhabituelle, brusque et non attendue.

Intrigués nous nous sommes rendus au centre du hameau où avaient débuté des travaux de réaménagement de l’espace d’accueil, et parfois de parking, situé devant la chapelle.
Réaménagement lourd, totalement opposé à celui dont nous avions coutume, et devant permettre, d’après les intervenants, de faciliter l’entretien de cet espace.

Entre riverains nous nous sommes interrogés :

    -personne n’avait été consulté,
   - personne n’avait été prévenu,
    -personne n’avait vu une quelconque affiche de démarrage et de description de chantier.

Le soir par mail nous avons contacté tous les habitants et propriétaires du hameau en adressant copie à la mairie.

Le lendemain matin, à 5 heures, le maire nous gratifiait d’un courriel, tout en nuance, avec délicatesse et élégance, en mode « démocratique dégradé » caractéristique de l’émetteur, manifestement peu ému par l’émotion déclenchée au sein du hameau.

« Bonjour à toutes et tous,

Pour celles et ceux qui voudraient connaitre la finalité des travaux engagés autour de la Chapelle.
et ceux conformément annoncés aux voeux de début d'année, je serai présent ce matin vers 9h00 sur site.

Nous réalisons ces travaux d'aménagement des surfaces pour répondre à l'avenir au mieux à l'engagement
zérophyto de notre commune, démarche qui a débuté en 2014.
les surfaces hydrocarburées vont être remplacées par de
L'espace végétalisé qui sera supérieur à ce qui l'était auparavant, puisque constaté inutilisé, et une partie minérale le plus naturelle
possible sera consacrée à la circulation piétonne, voir de stationnement.
Voir l'aménagement au calvaire du hameau.
de fait l'état périmétrique de la charmante chapelle sera plus agréable, et rehaussera la valeur du petit édifice.
à bon entendeur

bien cordialement
Pascal M »

Revenons quelques instants sur les travaux et leur motivation.
Chacun ne peut que se féliciter de la nouvelle politique départementale de suppression de l’utilisation des produits phytosanitaires dans les espaces publics, notamment dans les cimetières.
Au cas présent cependant, personne n’a sans doute jamais eu l’idée d’utiliser de tels produits pour l’entretien de cette placette, son entretien se limitant à quelques débroussaillages à la périphérie du lieu. Les « surfaces hydrocarburées » de la place elle-même, fortement dégradées, se satisfaisant largement d’un auto nettoyage saisonnier.
En résumé, jusqu’au 24 avril 2018, personne, hormis apparemment quelques esthètes voulant « rehausser la valeur » de la chapelle, en rehaussant sa placette, n’avait réclamé, ni même imaginé, qu’il faille de toute urgence en modifier le caractère et l’environnement.
Mais, quand on veut tuer son chien …

Cela étant soyons reconnaissants, les travaux réalisés sont beaucoup moins structurants que nous le redoutions en observant les très importants moyens déployés. Bien propres, bien faits, Vinci n’a qu’à bien se tenir pour la réalisation du prochain tronçon d’autoroute. Mais pour l’ «exécution » des aires de repos, notamment « verdurées », ce sera peut-être encore un peu juste.
On ne reconnaît plus rien certes mais, si ce n’est les graves fautes de goût, le pire aura été évité.
Mais il est sûr que poser une table en formica devant un buffet Louis XV cela peut en choquer certains, même beaucoup.

Mais bon, soyons indulgents, la chapelle est toujours à la même place.
Même si cette nouvelle placette, elle, n’est désespérément pas à sa place !

La vie est vraiment mal faite, quand nous voyons toutes ces villes qui dépensent des fortunes pour végétaliser jusqu’à leurs trottoirs et nous, humbles ruraux, qui gravillonnons le moindre espace où l’herbe ne demande qu’à pousser.

Fautes de goût, Carton jaune !
Travaux et dépenses inutiles, Carton rouge !
Expulsion ! Et suspension jusqu’à la décision de la commission de discipline.

Mais tout essentiel que soient la protection et la défense de notre patrimoine collectif et les choix de sa conservation et de son entretien, les méthodes d’une gouvernance démocratique ne peuvent être délibérément ignorées.

Il est en effet inadmissible qu’une intervention lourde et conséquente sur l’environnement immédiat et quotidien des citoyens se réalise, dans leur dos, sans consultation, sans concertation, sans aucune prévenance, sans le moindre respect pour les personnes qu’elles soient riveraines, proches, passantes - passées, présentes ou futures - enfin pour tout individu ayant à connaître de l’existence d’un site appartenant à tous et à personne.

Il est insupportable que la seule réponse de l’élu responsable aux légitimes interrogations, consternations et colères des habitants soit une déclaration péremptoire, pseudo-technique, moralisatrice, prétentieuse et bravache. Etre pris en défaut n’exclut pas d’être courtois, poli et de présenter des excuses. Un élu, surtout lorsqu’il s’adresse aux citoyens dont il est censé être le représentant, est appelé à rendre compte, pas à régler ses comptes.

Il est surtout impensable que de telles réalisations pouvant mettre en péril des ouvrages et leur environnement, aussi précieux et fragiles, ne fassent l’objet d’une attention particulière de la part de leur très éphémère promoteur. Cette chapelle n’est malheureusement pas protégée, et il n’y a donc pas, juridiquement, d'obligation de soumettre le projet à l'avis de l’architecte des bâtiments de France.
Mais quelle inconséquence, quelle légèreté, quelle suffisance de ne pas le faire spontanément, surtout comme nous devons malheureusement le constater, lorsque le promoteur ne semble pas être des plus compétents dans cette discipline ardue et délicate.

A l’examen de ces faits et des éléments d’appréciation recueillis, les habitants du hameau ont décidé de constituer un collectif dont le premier objectif sera de faire connaître très largement :

   - son total désaccord sur les travaux réalisés,
   - son indignation sur l’absence inexcusable de consultation et de concertation ayant présidée à l’engagement de tels travaux,
   -- ses interrogations sur les motivations réelles de ces travaux,
    son exigence d’un rétablissement rapide d’une situation en rapport avec l’état antérieur.


A bon entendeur, salut !

Cette expression qui date du XVIIe siècle est en général une menace, un avertissement plus ou moins voilé.

JCF – Chantres Milhac de Nontron


PS : Allez une dernière pour la route.

En face la chapelle de Chantres se trouve un panneau d’affichage municipal où il y a encore quelque temps étaient affichés les dates et ordres du jour des conseils municipaux. Mais avec « Internet » ces us ont disparu. Le tableau est souvent vide ou couvert au rythme des collectes de sang organisées à Saint Pardoux.
Quelques jours avant le démarrage des travaux fut annoncée par affichage pour le 25 avril 2018 une Rencontre paroissiale à la mairie de Milhac :
« Votre curé l’abbé René Mathieu vient à votre rencontre …
Présentation de la commune par le maire ou un délégué, puis échanges entre les participants.
Je me réjouis de passer un moment avec vous. »
Abbé René Mathieu

Rêvons un peu et imaginons un maire éclairé proposant à ses administrés une Rencontre municipale et terminant son invitation par « Je me réjouis de passer un moment avec vous ».
Beaucoup plus élégant et responsable que le malséant, déplacé et affligeant « A bon entendeur ».