Contribution à la Consultation du 30/10/2023 au 24/11/2023
Décret n° du relatif aux conditions requises à l’article L. 211-2-1 du code de l’énergie et à l’article 12 de la loi n° 2023-491 du 22 juin 2023, pour qu’un projet d’installation de production d’énergies renouvelables ou de réacteur électronucléaire soit réputé répondre à une raison impérative d’intérêt public majeur, au sens de l’article L. 411-2 du code de l’environnement.
Nous nous limiterons à la partie relative aux installations situées à terre produisant de l’électricité à partir de l'énergie mécanique du vent sur le territoire métropolitain continental.
« Article R. 211-3. - Pour une installation située à terre produisant de l’électricité à partir de l'énergie mécanique du vent sur le territoire métropolitain continental, les conditions prévues à l’article R.211-1 sont : 1° La puissance prévisionnelle de l’installation est supérieure ou égale à 9 MW ; 2° La puissance totale du parc éolien terrestre raccordé sur le territoire métropolitain continental, à la date de demande de dérogation aux interdictions prévues par les alinéas 1°, 2° et 3° de l'article L. 411-1 du code de l’environnement, est inférieure à l’objectif maximal de puissance du parc éolien terrestre sur ce territoire tel que défini dans le décret relatif à la programmation pluriannuelle de l’énergie définie à l’article L.141-1 du code de l’énergie. En cas de renouvellement de l’installation en application de l’article L. 181-14 du code de l'environnement, que ce renouvellement engendre ou non une modification de la puissance installée et de la localisation des installations, ce critère n’est pas nécessaire pour répondre à une raison impérative d’intérêt public majeur, au sens du c du 4° du I de l’article L. 411-2 du code de l’environnement. »
Promulguée en mars 2023, la loi APER ou AER (Loi d’accélération de la production d’Energies renouvelables) fait de la planification territoriale des énergies renouvelables une priorité.
Une de plus !
Cette loi, en fait imposée par le respect de nos objectifs nationaux et nos engagements internationaux en matière d'énergie et de climat, en particulier l'atteinte de la neutralité carbone à 2050, nécessite d'agir rapidement.
Il était temps !
Pour cela, elle réaffirme le rôle crucial des collectivités territoriales et des élus locaux en termes d'aménagement du territoire en leur donnant de nouveaux leviers d'action.
De fait, grâce à cette loi, les communes peuvent désormais définir, après concertation avec leurs administrés, des zones d’accélération, où elles souhaitent prioritairement voir des projets d’énergies renouvelables s’implanter.
Quelle chance et quel cadeau !
Cela étant, la seule lecture du projet de l’Article R. 211- 3 illustre combien la tâche peut se révéler compliquée et, puisque le but à atteindre est aussi peu glorieux il eut peut-être été plus simple de décréter :
« L'obtention automatique d'une « raison impérative d'intérêt public majeur » (RIIPM) doit accélérer les procédures d'autorisation. »
Pour mémoire, l'article L. 411-1 du code de l'environnement interdit par principe de porter atteinte aux espèces protégées.
Par dérogation, l'article L. 411-2 du même code prévoit que l'autorité administrative peut délivrer des dérogations aux interdictions d'atteinte aux espèces protégées pour permettre la réalisation de projets à la condition que les trois conditions cumulatives soient réunies :
-il n'existe pas d'autre solution satisfaisante à la réalisation du projet ;
Les faits montrent que les promoteurs d’énergies renouvelables ne recherchent jamais de solutions alternatives à leur projet d'implantation et que c'est la maitrise foncière, et elle seule, qui dicte le choix du site.
-la dérogation ne nuit pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle ;
Les services instructeurs des dossiers, DREAL et MRAE, ne cessent cependant de dénoncer les conclusions très complaisantes de bureaux d'études chargés par les porteurs de projets d'aboutir à la conclusion de l'inutilité du recours à l'article L.411-1.
-le projet répond à une raison impérative d'intérêt public majeur (RIIPM).
C’est justement ce dernier point qui peut s’avérer délicat à démontrer, et donc de fait source de fragilité juridique, et in fine susceptible de ralentir la fameuse accélération âprement recherchée.
Le projet de décret prévoit donc que tous les projets éoliens terrestres d’une puissance supérieure à 9 MW, seraient réputés répondre à une RIIPM.
Ce qui correspond à une puissance très faible et revient en pratique à l’accorder à la quasi-totalité des projets éoliens terrestres.
Pourquoi 9 MW, et pourquoi pas 10, 50 ou même 100 ?
Et pourquoi instruire des projets menaçant la biodiversité d’un territoire ?
Pourquoi ne pas commencer par protéger ce qui peut encore l’être et renforcer ce qui a déjà subi quelques dommages et préjudices ?
L’urgence ce n’est plus « la raison impérative d’intérêt public majeur » c’est de sauvegarder tout ce qui peut l’être.
Il n’est pas inutile de rappeler que le Conseil National de la Protection de la Nature (CNPN) a donné un avis défavorable sur le projet de la loi relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables.
« Il a en effet considéré, notamment, que le projet était trop déséquilibré au profit
des considérations énergétiques, au détriment des enjeux environnementaux et notamment de la biodiversité. »
Enfin il est grand temps que les orientations et décisions environnementales tiennent prioritairement compte des travaux réalisés par les instances et chercheurs scientifiques au détriment des conseils mandatés par les entreprises du pôle énergétique.
Sur le projet de décret objet de la présente consultation la CNPN a émis un avis tout aussi défavorable que sur le projet de la loi relative à l’accélération.
Très modestement, mais avec détermination, nous émettons à notre tour un avis défavorable à ce projet de décret.
Jean Claude FRASNETTI
Lieu-dit Chantres
Milhac de Nontron