Les media sont polarisés sur la pandémie. On en oublierait presque les dernières nouvelles du GIEC, établissant avec force courbes et démonstrations mathématiques l’inéluctable dépassement du seuil de 2 degrés de réchauffement global, seul jugé tolérable, mais déjà virtuellement dépassé en raison de la forte inertie des conditions du réchauffement. Celui-ci se poursuivrait même si, demain, on cessait d’émettre des gaz à effet de serre. Les décisions trop tardives et trop timides, suite à l’accord de Paris, sont impuissantes à enrayer ce processus inexorable.
Or nous continuons à émettre du CO2 et désormais aussi du méthane en abondance suite à la fonte du permafrost, ce qui risque d’emballer l’effet de serre. Et la fonte du permafrost libère aussi quantité de virus très anciens, inconnus de nos organismes, qui causeront d’autres redoutables pandémies. L’urgence pandémie ne doit pas nous masquer l’urgence climatique. Elles sont liées. Chaque degré de chaleur globale supplémentaire aura de graves conséquences, rendant progressivement inhabitables de larges portions de notre espace vital. Inutile d’être grand clerc pour en pressentir les redoutables conséquences géopolitiques et humaines.
Mais tous ces dommages causés par l’homme à la planète, donc à sa propre survie, ont pour origine le système économique industriel moderne. Certes depuis le néolithique l’homme a constamment agressé les équilibres naturels de son environnement, mais depuis 200 ans il s’agit de destruction massive. Or l’arme de cette destruction, c’est la croissance. Et c’est là que l’économie, le climat, le sanitaire se rejoignent.
Nous sommes dopés à la croissance, c’est notre addiction, nous ne pouvons imaginer d’en être privés, lorsqu’elle est en panne nous pensons mourir. Elle fonde les théories économiques, nous la nommons « progrès », sans elle ce serait la famine, le chômage, la fin de toute prospérité. Seules quelques grandes voix accusées d’utopisme avertissent qu’aucune croissance ne peut se poursuivre indéfiniment, qu’elle cessera forcément un jour, bientôt peut-être, qu’on peut promouvoir un développement du bien-être sans croissance du PIB, et qu’il serait bon de s’y préparer. Mais on ne se désintoxique pas en un jour.
La pandémie aura eu le mérite de susciter des solidarités, notamment entre producteurs et consommateurs au niveau local qui vont perdurer. En tant que consommateurs nous avons un réel pouvoir : avec nos caddies nous plébiscitons certains produits, en boudons d’autres, et la distribution nous suit. Une éducation permanente des consommateurs peut donc modifier réellement le système de distribution. Mais nous sommes impuissants encore face à certains modes de production dévastateurs…
Le codiv 19 est un terrible tueur et nous le combattons de toutes nos forces. Mais si la crise économique consécutive à la pandémie pouvait provoquer plus de prise de conscience, plus de solidarités, plus d’audace face à l’urgence climatique, plus d’expériences réussies de vie heureuse dans la sobriété, l’humanité pourrait lui en être reconnaissante.
Marie Elisabeth Chassagne- Varaignes