samedi 11 avril 2020

Confinement avec jardin

J'habite à la campagne et j'ai un grand jardin, ce qui veut dire que j'ai de l'espace et ne suis pas confinée dans un tout petit appartement.

L'idée de l'article est de partager ma façon de vivre le confinement. J'ai un peu de mal à partager cette expérience, dans la mesure où il n'y a pratiquement pas de différence par rapport à ma vie ordinaire. Je m'explique.

Pour diverses raisons, pendant toute ma vie, j'ai eu des périodes où je ne travaillais pas pour un employeur. Il y a longtemps, j'ai essayé de gagner de l'argent en faisant des traductions techniques. Finalement, j'ai abandonné le projet, non seulement parce que je ne gagnais pratiquement rien, mais en plus, s'il y avait un travail, c'était pour hier, soit le vendredi soir pour le lundi huit heure, avec le résultat que je ne voyait plus personne à part mes enfants le soir après l'école. Je n'ai pas besoin de voir beaucoup de monde, mais entre peu de monde et personne il y a une différence.

                                               La lune derrière le prunier

Il y a à peu près dix ans, j'ai commencé à écrire et l'écriture demande de la rigueur. Donc, j'écris le matin et fais autre chose l'après-midi. L'inconvénient, c'est que les marchés se tiennent le matin. Je ne m'y rend donc que très rarement. Avec notre confinement je rate un des rares moments où l'on peut encore croiser des gens. Ne pas faire des magasins ne pose pas de problème, je déteste cela.

Finalement, ce qui me manque ce sont les réunions diverses et variées, celles du CDD ou encore le café philo. Des endroits où l'on peut échanger. Il manque aussi les sorties culturelles conférences, musique etc. Je comprends mieux maintenant le postulat de Walter Benjamin sur l'aura qu'il défini dans “l'œuvre d'art à l'époque de sa reproductibilité technique.“ Ce n'est définitivement pas la même chose de se déplacer pour écouter des musiciens ou de regarder une vidéo aléatoire qui reproduit la même œuvre. J'ai essayé de regarder le ballet Gisèle et ai abandonné après à peine cinq minutes ! Je n'ai jamais quitté un spectacle vivant en cours de représentation.

Je ne vis pas seule, je peux donc parler de temps en temps. Bien sûr je fais occasionnellement quelques courses, mais comme d'habitude je n'y vois presque personne et mes échanges se limitent à bonjour et au revoir. Je fais du sport, mais sans les copains, quelque chose manque. Il y a des promenades solitaires. L'avantage c'est que cela permet de voir des animaux, surtout des oiseaux, des buses, un busard Saint-Martin, des ”trucs” qui s'envolent à mon approche peut-être des canards ? Comment vole un canard, d'ailleurs?
A ma surprise j'ai rencontré plusieurs personnes sur un chemin qui est d'habitude désert. Une des personnes était une voisine qui semble prendre le confinement au sérieux, car d'habitude elle se promène ailleurs. Mais elle habite seule et j'ai l'impression que ce confinement commence à trop durer. Nous avons échangé quelques mots, à bonne distance. Mais c'est ce que nous faisions déjà par temps ordinaire. Le lendemain je l'ai entendu parlé quelque temps avec une autre voisine. Peut-on sérieusement interdire aux gens de se parler ?


                          Le printemps dans les collines à Javerlhac

Ce qui m'agace de plus en plus c'est ce mépris pour l'échange social sous couvert qu'il faut protéger les plus fragiles. On protège la vie physique de personnes à qui on essaye, en même temps, de retirer toute raison de vivre.

Mon père, par exemple, a pu avoir une chambre dans une résidence pour seniors juste avant le confinement. Mais avant que la famille sur place ait pu déménager quelques meubles l'accès a été interdit. Il a donc juste un lit, une chaise et un placard pour les vêtements. Pas de télé (et bizarrement il n'y a pas de salle de télévision commune), plus d'ordinateur depuis un an par choix personnel, juste un poste de radio. Pas de téléphonie avec image par whatsapp, car sa femme a du mal à s'en servir et le code wifi de l'établissement change chaque mois pour des raisons de sécurité informatique. Pour elle c'est un défi, car elle a la maladie de Parkinson. Le seul moyen de contact est le téléphone classique. Mais chez moi, la connexion via ma box adsl se détériore très vite depuis que nous sommes confinés et il est difficile de parler à quelqu'un à travers un grésillement persistant.

Je trouve inquiétant qu'on veuille interdire aux gens qui vivent en appartement de sortir au soleil ! D'habitude on leur assène sans arrêt qu'il faut sortir, ne pas passer tout son temps devant les écrans, faire du sport. Les responsables du pays, ont-ils oublié que le soleil est indispensable pour l'humain ? Ont-ils oublié que la vitamine D est synthétisée sous l'action du soleil ? Veulent-ils donner de la vitamine D soluble comme aux nouveaux-nés à toute la population ? (Mais je parie que la production a été délocalisée en Chine ou en Inde et qu'il y a rupture de stock.)

Pourquoi il y a des décideurs qui trouvent que cela est inadmissible de s'acheter sa baguette chaque jour ? Une personne seule ne mange pas plus qu'une baguette par jour. Pourquoi devrait-elle se nourrir de pain sec ? Quel crime a-t-elle commis pour être enfermé à l'eau (oubliez l'alcool, c'est mauvais pour la santé!) et pain sec ?

Comme il y a, d'après certains médias, toujours trop de personnes qui ne sont pas devenus ermites, l'idée d'une surveillance généralisée de la population via la géolocalisation des téléphones mobiles fait son chemin. On nous dit que c'est pour notre bien. Ma solution serait d'oublier mon téléphone à la maison. Je n'ai pas besoin de l'oublier, je n'en possède pas.

Pour finir, un mot sur les informations à la radio (je ne regarde pas la télé). J'ai pratiquement abandonné car, à quoi ça sert encore si on ne me parle que de témoignages de confinement et statistique de décès ? Si vous cherchez les statistiques pour la Nouvelle Aquitaine, le communiqué de presse est disponible chaque soir à l'adresse https://www.nouvelle-aquitaine.ars.sante.fr/liste-communiques-presse?archive=0

Je regarde les titres de mon fil rss de “Le Monde“, ce n'est pas mieux, il n'y a que pour le covid-19 surtout en France, je n'ouvre rien. Exit les volcans, ouragans et autres tempêtes, même la libération d'un chercheur français a tout juste été mentionnée. Par chance j'avais allumé ma radio au bon moment. Sur les réseaux sociaux nous sommes néanmoins nombreux à surveiller les agissements des promoteurs d'éoliens qui se félicitent ouvertement de ne pas être touchés par la crise, car l'argent rentre avec garantie d'état, tandis que d'autres fournisseurs d'électricité veulent casser leur contrats avec EDF pour “cause majeure“, car les prix de l'électricité sont en baisse sur le marché, pour cause de baisse de la consommation, 20 €/MW le 8 avril quand la moyenne est à 40 €/MW. Par chez nous un nouveau mât (de mesure du vent?) a poussé pendant le confinement.

Quelque chose de “positif“ pour un futur confinement : si le projet des points centraux de dépôts d'ordures ménagères s'appliquait un jour à notre communauté de communes, cela donnerait de bonnes excuses pour de longues promenades de plus de 1 km de chez vous et vous profiteriez pour rendre services aux voisins qui ont du mal à marcher. Après, grâce aux puces d'enregistrement on pourrait vous prouver que vous y êtes allés avec un sac – et ne n'avez rien déposer. Mais, je vous rappelle, le flicage c'est pour votre bien.

2 liens récents sur la questions des déchets

France 3 Nouvelle Aquitaine (novembre 2019) https://france3-regions.francetvinfo.fr/nouvelle-aquitaine/dordogne/redevance-incitative-ordures-dordogne-4-ans-travail-pharaonique-perspective-1748125.html

France Bleu (janvier 2020) https://www.francebleu.fr/infos/societe/dordogne-des-collectifs-sur-internet-contre-le-nouveau-systeme-de-facturation-des-poubelles-1577874164
Actuellement, bien sûr même la smd3 ne parle que du covid-19.

Ne faites pas comme moi, évitez de péter les plombs pour cause de confinement. Vive la zenitude, vive l'ermitage et entassés à plusieurs, prouvez que la célèbre phrase “l'enfer c'est les autres“ (Jean Paul Sartre dans Huis clos), c'est du n'importe quoi.

Sigrun Trunk, Javerlhac