jeudi 25 avril 2019

Quand les hébergeurs remettent à leur place les élus du PNR-PL



Rappel du contexte général

Depuis environ dix ans le Périgord, et plus particulièrement le Périgord Vert, sont prospectés assidument par les promoteurs de l’éolien industriel. Plusieurs projets, portés par diverses officines, sont en cours d’étude et quelques-uns ont atteint le stade de l’enquête publique qui précède obligatoirement, pour le moment du moins, les autorisations préfectorales.

Jusqu’alors tous ces projets, qui ont en commun de se développer dans l’ombre et le secret et de générer corrélativement des oppositions conséquentes, ne se sont concrétisés. Mais, même étouffés à la naissance ou repoussés lors de l’enquête, ils ne peuvent et ne doivent jamais être considérés comme définitivement abandonnés.

Le projet le plus avancé, celui des Grands Clos (Puymangou-Parcoul) dans la forêt de la Double, a franchi fin 2016, contre toute attente, mais avec succès, le stade de l’enquête et la sympathique et dynamique préfète sévissant à ce moment, et juste avant de nous quitter, a délivré en juillet 2017 deux autorisations sur les quatre nécessaires.
Mais les recours étant loin d’être épuisés le nouveau préfet dispose d’un peu de temps pour prendre connaissance de ce dossier et s’interroger sur la notion d’intérêt général lorsque cet « intérêt » est convoqué au profit d’un nombre limité de privilégiés.

Et donc, à ce jour, le territoire du Périgord est toujours épargné par cette épidémie qui a déjà défiguré une grande partie de notre pays, et « terrassé » plusieurs régions et départements par overdose.

Mais vous l’aurez compris la menace n’a jamais été si présente.

Et ce d’autant qu’un nouveau projet, celui de la « Queue d’âne », cela ne s’invente pas, sur les communes de Saint-Jory-de-Chalais et de Saint-Saud-la-Coussière, pourrait atteindre le stade de l’enquête dans les tous prochains mois.

La procédure prévoit que l’avis du PNR-PL soit sollicité.
L’élaboration de cet avis, qui n’est que consultatif, impose toutefois que les différentes instances du PNR s’en saisissent et en établissent la formulation.


Cette fois ce sont les hébergeurs qui s’invitent 

Le lac commençant à prendre feu les hébergeurs du Parc ont compris qu’il devenait opportun de rappeler aux élus du PNR-PL, que le Parc, c’était aussi des habitants, et de nombreux acteurs.
Et, que parmi ces acteurs, les « accueillants » et les moyens qu’ils mettaient à disposition et animaient avec passion, représentaient un atout essentiel pour l’existence même de ce Parc.

Ils ont donc écrit le 27 février 2019, au Président et aux élus du Parc, une fort belle lettre très argumentée pour leur signifier clairement, poliment mais fermement que la poursuite normale de leurs activités et la présence d’aérogénérateurs industriels étaient totalement incompatibles.

Et très logiquement « (en leur) demandant d’agir pour l’abandon de ces projets éoliens industriels et pour développer avec sérénité des projets de transition : énergétique, écologique, économique à taille humaine ».


Par ailleurs par un courrier du 13 mars 2019, un certain nombre de personnes étaient informées par la 1ère Vice-Présidente du PNR :

    • que le Président avait confié au Conseil d’Orientation et de Développement (COD) et au Conseil Scientifique du dit PNR la tâche de rédiger un avis concernant le projet éolien dit « de la queue d’âne »,
    • qu’une première réunion avait eu lieu afin d’auditionner le porteur de projet (la société Abo Wind). En raison d’un adressage « défectueux » peu de personnes avaient été prévenues et encore moins avaient pu être présentes, en dehors … des salariés du PNR.
    • qu’une deuxième séance était prévue afin d’auditionner les hébergeurs du PNR (qui nous ont saisi par courrier) et des représentants d’associations locales. Très localisées et en nombre très restreint. Au moins deux.

 A titre anecdotique ce courrier était accompagné de deux documents :
 
   
• Dans la collection des Avis de l’ADEME (Agence De l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie), La production éolienne d’électricité, de Novembre 2013,
Conforme à toutes les productions diffusées par l’ADEME, « L’avis de l’ADEME » sur la dernière page vaut le détour :
-L’énergie éolienne participe à l’équilibre offre-demande du système électrique national et contribue à la réduction de gaz à effet de serre,
-Le bilan environnemental de l’éolien est largement positif,
-L’appropriation sociétale de l’éolien constitue la principale condition de son développement,
-L’ADEME souligne la nécessité d’une visibilité réglementaire et économique de long terme, …


Difficile d’être plus neutre et objectif. Agence d’Etat, mais plus pro-éolien que les lobbys éoliens eux-mêmes. Lors de leurs permanences les documentations fournies par les promoteurs émanent essentiellement de l’ADEME ou d’officine  associées ou financées par l’ADEME. 


    • Guide sur l’application de la réglementation relative aux espèces protégées pour les « parcs » éoliens terrestres de Mars 2014 édité par le Ministère de l’Ecologie, …
Destiné aux « services de l’Etat en région » pour « traiter efficacement et apprécier de façon proportionnée » … « les enjeux relatifs à la problématique des espèces protégées dans le cadre du développement de la filière éolienne ».
Très technique, mais aussi très utile pour (essayer de) comprendre les subtilités administratives et juridiques du régime ICPE. Mais là, c’est le règlement, et rien que le règlement.

Donc, deux documents « récents » manifestement « indispensables » à l’appréciation des conséquences des implantations éoliennes sur les activités touristiques, leur développement et leur équilibre économique.

En revanche l’Avis, tout frais, mais défavorable, du Conseil National de la Protection de la Nature (CNPN) sur le projet éolien de la Queue d’âne, émis le 21 février 2018, n’était pas joint. Voici cependant sa conclusion :


« C’est pourquoi un avis défavorable est apporté à ce dossier, en raison :
    • de l’absence d’éléments permettant de conclure à l’absence de solution alternative satisfaisante,
    • de la sous-estimation des enjeux concernant les espèces les plus sensibles aux collisions et aux effets barrière,
    • de l’absence de stratégie de compensation détaillée,
    • des mesures concrètes de gestion, de leurs modalités et de leur durée.
Par ailleurs, il n’est pas certain qu’au vu du fort intérêt faunistique de la zone d’étude, la raison impérative d’intérêt public majeur de ces quatre éoliennes soit avéré ».


Si malencontreusement l’enquête publique était ouverte le futur commissaire enquêteur dispose déjà ainsi de la trame de son rapport et d’une esquisse de la conclusion. 
 
La « séance d’audition » des hébergeurs

 
Cette narration n’est pas un compte-rendu. Ce n’est qu’une description synthétique de l’évènement et un ressenti de l’ambiance dans lequel il s’est déroulé.


Un  compte-rendu officiel devrait être produit par le PNR et les hébergeurs ont déjà diffusé le support qui a accompagné leur exposé ainsi que leur propre compte-rendu. 


Tout d’abord le lieu et l’endroit
 
La séance d’audition, ou plus simplement la réunion, s’est déroulée à Chalus dans la salle des deux Lions. Pourquoi Chalus, se sont interrogés certains puisque la majorité des hébergeurs signataires sont installés en Dordogne ? Au Nord de la Dordogne certes pour la plupart mais ce territoire ne manque pas de possibilités d’accueil. Et un lieu proche du site du très contesté forfait eut permis d’en apprécier l’ampleur et la gravité.


Déjà ce lieu avait été choisi pour « l’audition (intime) d’ABO WIND ». Cette intimité aurait-elle été tant appréciée au point de réitérer ?


Quant à la salle des deux Lions il est certain qu’il serait difficile, et certainement dénoncé, si quelque dompteur s’avisait d’en mettre trois. Tous les présents, ont trouvé une chaise mais il s’en est fallu de peu, que le président de la commission tourisme du Parc, également vice-président chargé du développement durable au Conseil départemental, arrivant avec un léger retard, ne soit contraint de rester debout. Pour faire court il semble que les organisateurs ont été un peu pris de court n’imaginant sans doute pas que le sujet traité puisse passionner et attirer autant.


Au hasard, comme pour le choix de Chalus, le choix de Saint-Saud, par exemple, où le Foyer Rural vient de bénéficier d’une réfection et d’une remise à niveau très réussies, eut été une option certainement mieux adaptée. Au cœur même du problème à traiter, dans une salle confortable, agréablement parée, dotée d’un micro-projecteur permanent et d’un grand écran performant, les exposés auraient été encore plus convaincants et les échanges peut-être plus détendus.



Puis le déroulement de « l’audition »

Donc le 3 avril 2019, après une entrée en matière courte, usuelle et bienveillante de la 1ère Vice-Présidente du PNR, « On est là pour vous écouter », la parole est donc donnée aux hébergeurs.


Ceux-ci, se proposent donc de dérouler sous forme de « diaporama » un argumentaire répondant, mais pas seulement, au dossier de plus de 1 000 pages présenté par le promoteur. Cette présentation se fera à plusieurs voix, à parité d’ailleurs, et au nom des 34 (33 signataires + 1) hébergeurs solidaires de la lettre du 27 février 2019.


Avant de se lancer et selon un rituel largement partagé, il est demandé, à chacune des personnes présentes de … se présenter. Ce tour de table révèle que l’assistance, environ 50 personnes, est majoritairement constituée d’hébergeurs, de plusieurs membres de commissions ou amis du Parc, mais aussi de quelques courageux élus, au moins quatre.


L’argumentaire a été commodément découpé en plusieurs thèmes :


    • La profonde méconnaissance du territoire par le promoteur et la sous-estimation du Tourisme
    • Une méthodologie contestable
    • Un choix énergétique contestable
    • L’ignorance du principe de précaution
    • Des idées fausses sur le tourisme
    • Les impacts environnementaux
    • Les tensions sociales induites
    • L’absence de démocratie
    • Des profits peu équitables
    • Un manque évident de sincérité du promoteur




 Dix points « extirpés » du dossier présenté par ABO WIND retraités et passés au crible d’une analyse « hébergeur ». 


Chacun des dix thèmes reprend les principaux vices relevés par toutes les commissions d’enquête se penchant sur les projets éoliens industriels. Aucune surprise donc, mais une approche nouvelle qui confirme dans un autre registre, le tourisme, que cette filière « éolienne industrielle » est une fausse bonne réponse, pour notre pays et encore plus pour notre territoire, pour lutter contre le réchauffement climatique. Non seulement elle ne résout rien mais en plus elle crée de nouveaux problèmes dont l’appropriation inclusive, démesurée, disproportionnée et irréversible de l’espace commun, n’est pas le moindre.


Après un très brillant exposé la parole a été donnée aux personnes présentes, lesquelles furent très nombreuses à s’en saisir et à s’en servir plutôt de bonne façon et donc en harmonie, du moins pour la qualité, avec le plaidoyer de la représentation touristique.


Un nouvel éclairage qui nous ouvre de nouvelles perspectives
 
Cet éclairage spécifiquement « tourisme », totalement ignoré par le promoteur, banalisé par les décideurs, c’est manifestement le point fort et novateur du « TRAVAIL » présenté par les hébergeurs. 

 
Car il s’agit d’un vrai travail, un important travail qui deviendra sans doute une référence, un travail de grande qualité, réalisé par des professionnels, du tourisme, pas de la transition énergétique, ni de la communication. Et pourtant, en 20 pages c’est un dossier de 1 000 pages qui est ainsi démonté et ridiculisé. 


Un travail qui dénonce nombre de travers et de « mauvaises manières » employés par ces promoteurs dont le seul objectif est de trouver de l’espace « libre » pour développer leur très rentable commerce. Très rentable et sans risques, pour eux, mais pas pour nos territoires.


« Mauvaises manières » vite copiées par des décideurs qui, sans consultation des habitants, s’abaissent à ramasser les miettes de cette rentabilité indue.  


L’anti-éolien de fait, que nous devenons fatalement lorsque nous abordons sérieusement ce dossier, a été très adroitement dépassé par le pro-tourisme des hébergeurs.
 
Mais si les hébergeurs l’ont fait pourquoi d’autres ne le feraient-ils pas ?


Les commerçants par exemple, ont-ils réfléchis à la poursuite de leur activité lorsque les touristes, mais aussi les néo-ruraux, les nouveaux retraités, les créateurs éviteront les « zones » éoliennes. Car si 4 éoliennes n’annoncent pas le printemps, les dizaines qui suivront détourneront définitivement, comme les barrages électriques détournent les sangliers, tous les visiteurs demandeurs de nature, de calme, d’authenticité, de convivialité.  


L’éolien créé des emplois certes, sauf aux endroits où il s’implante.


Les commerçants, mais aussi les artisans, les entreprises, subiront cette désertion, puis cette désertification accélérée, et cette fois irréversible, de nos territoires. 


Mais ceux qui doivent se réveiller, et très rapidement, ce sont tous les élus qui ont déjà compris que cette chimère éolienne était une escroquerie et surtout une impasse. Mais également tous ceux qui commence seulement à comprendre quune éolienne dans la commune d’à côté apporte les mêmes nuisances, et parfois plus, que sur sa propre commune et que c’est la première d’une longue, très longue série, qui brisera la vie des habitants, non seulement de l’indélicat voisin, mais de tout un territoire.  


Très réactifs, et dans une langue d’une richesse dont notre département est fort pourvue, nos gentils et aimables conseillers départementaux, ont dès le 4 avril 2019, tenus à préciser la position de l’assemblée départementale. Prise de position déjà inspirée par les hébergeurs et incluse dans une motion votée unanimement en janvier 2017.
 
« Elle précise nos réticences sur les projets à caractère industriel en particulier dans le Nord du département ».

 
Mais dont semble se « contrefoutre » une poignée de maires et encore plus le Président du PNR-PL, lui-même « maire –porteur » d’une éolienne.

 
« De plus nous réaffirmons bien entendu, notre soutien à la mise en œuvre de solutions énergétiques alternatives aux énergies fossiles, mais dans le respect des paysages  et du patrimoine naturel et architectural, éléments prépondérants pour les activités touristiques que vous développez ». 


 Mais votre soutien, chère conseillère, cher conseiller, tout sympathique qu’il soit, ne suffit plus.
Ce sont des actes concrets que les hébergeurs demandent au même titre que la majorité des habitants et des acteurs économiques. 

 
Ils vous demandent « d’agir pour l’abandon de ces projets éoliens industriels et pour développer avec sérénité des projets de transition : énergétique, écologique, économique à taille humaine ».

En Périgord ce ne sont pas les éoliennes qui doivent tourner, c’est le vent.
A suivre.


 



Jean Claude Frasnetti   -   Chantres - Milhac de Nontron


Commentaire:
Les élus doivent effectivement reprendre leur place face aux lobbies éoliens. Les habitants doivent être informés, consultés et écoutés. Et non pas mis devant le fait accompli ce qui ne peut engendrer qu'incompréhension et colère.
Une petite vidéo qui nous explique "Qu'est-ce qu'un Parc naturel?" On y parle de "concertation" avec les habitants...


Patricia Huret Champniers et Reilhac