C'est quoi un projet d'énergie renouvelable citoyen ?
Devant les contestations nombreuses de construction de centrales éoliennes et parfois aussi de centrales photovoltaïques au sol, le gouvernement français cherche à favoriser les projets dits ”citoyens.” Mais qu'est ce qu'un projet citoyen ?
La définition du mot ”citoyen” ne nous aide pas. D'après l'encyclopédie Larousse le citoyen est une ”personne jouissant, dans l'Etat dont il relève, des droits civils et politique , et notamment du droit de suffrage (par oppos. aux étrangers). ” Si l'on suit cette définition, un résident en France n'est pas automatiquement citoyen. Pourtant, souvent ce terme de citoyen semble désigner toute personne résidant légalement en France. Pour être flou, c'est flou.
Pour ne rien arranger, l'Ademe commence à changer de terminologie et parle de ”projets d'énergie renouvelable à gouvernante locale” ce qui serait la même chose qu'un projet citoyen (avis de l'Ademe, 2019 [1]). La deuxième façon pour faire accepter un projet industriel, c'est d'en faire un projet à financement participatif.
Un projet dit citoyen
En suivant l'argumentaire de l'Ademe, des citoyens ou collectivités sont actionnaires dans un projet, puis de l'exploitation de la centrale. L'Ademe souligne qu'un actionnaire est décisionnaire – mais quel est le poids de quelqu'un qui détient moins de 5 % dans une société ? - et de toucher des dividendes. A ce point le citoyen se transforme en spéculateur, investisseur, entrepreneur. Il ne se distingue plus du porteur d'un projet industriel, si ce n'est par la quantité d'argent qu'il apporte. Une éolienne industrielle coûte entre 3 et 4 millions d'euros. Si des citoyens actionnaires apportent moins de 300.000 E (cas de EOL 87 à Rilhac-Lastours) ou 600.000 E (à Chamole dans le Jura) peut-on parler de projet citoyen ? Si en plus une partie des membres de la société sont par ailleurs des acteurs de la filière éolienne, ne sommes-nous pas en présence d'un projet industriel qu'on repeint avec une touche de citoyenneté ?
A cet endroit, il convient d'attirer l'attention sur la confusion fréquente entre association loi 1901 et société. Une association loi 1901 a des statuts, souvent un numéro SIRET et n'a pas le droit de faire des bénéfices. Pour rester adhérent, il faut payer chaque année sa cotisation. Une société a également des statuts et un numéro SIRET. Les ressemblances s'arrêtent là. En effet, une fois que vous avez acheté vos parts dans une société vous êtes associés jusqu'au jour où vous les revendez. Si la société fait des bénéfices vous touchez des dividendes ! Certaines sociétés entretiennent volontairement cette confusion. Ainsi ”EOL Bussière-Galant”[2] est une société par actions (capital minimal 6.700 E) dont l'activité est la gestion de fonds. Son président est une autre société, EOL 87 (elle gère l'éolienne de Rilhac-Lastours) dont l'activité est dans la branche ”fonds de placements”, elle distribue des dividendes à ses associés. Ces deux sociétés mettent toujours en avant leur ”citoyenneté.” Une troisième société, créé en grande partie par les mêmes citoyens, joue plus ouvertement sur la confusion entre société et association. Elle s'appelle ”la Citoyenne solaire.” Basée, comme les deux autres à Rilhac-Lastours, il s'agit d'une société par actions dont l'activité est la production d'électricité. S'il est tout à fait normal de créer une société, la volonté de faire croire qu'il s'agit d'une association sans but lucratif pose question. Encore plus si l'on met en avant son statut de citoyen en omettant son statut d'actionnaire.
Il y a un autre point qui m'intrigue avec l'éolienne ”la citoyenne” de Rilhac-Lastours. Le propriétaire de la machine est la société ”Ferme éolienne des monts de Rilhac-Lastours” et son bilan est mauvais, la dette énorme. Le site société.com qui évalue les bilans des entreprises met un ”défavorable” bien rouge partout. Mais le président de la société, soit EOL 87, a une rentabilité moyenne et un bilan en équilibré. Les économistes peuvent certainement expliquer cela. L'éolienne a été construit par CTE-Wind [3]. Au moment du démantèlement, qui paiera ? Et pourquoi vouloir construire d'autres éoliennes juste à côté, quand on sait pertinemment que le vent est insuffisant pour pouvoir rentabiliser une éolienne et surtout, que la production d'électricité sera insuffisante ? Ou est-ce que le but d'une éolienne n'est finalement pas la production d'électricité mais la production de dividendes ? Et pourquoi détruire la nature d'un parc naturel pour des dividendes , soit pour des intérêts financiers particuliers?
Les projets participatifs
Dans le cas d'un financement participatif les responsables d'un projet d'énergie renouvelable lèvent des fonds. Ces fonds sont des prêts de particuliers à l'entreprise. Ces prêts sont rémunérés par des intérêts. L'Ademe vante ”des taux attractifs par rapport au marché.” D'après cette agence les risques seraient maîtrisés. Ce n'est pas l'avis de tout le monde. Une centrale de consommateurs allemands a récemment souligné les risques risques financiers liés à ces placements ou il n'y a aucune garantie qu'on récupère un jour sa mise. Cela s'applique sur des prêts à long terme. Initialement, l'idée semble avoir été de lever des fonds après obtention du permis de construire. Mais pour des raisons politiques, il est préférable pour un porteur de projet d'afficher que des citoyens affichent leur support avant l'enquête publique. C'est un bonus indéniable auprès des services préfectoraux de brandir la soit-disante acceptation par les riverains. Quelques dizaines de personnes qui sont pour un projet valent nettement plus que des centaines d'avis contre.
Deux exemples
Une levée de fonds pour un projet à Iwuy (3.356 habitants), département du Nord où WPD (entreprise allemande) veut ajouter 4 éoliennes aux 11 déjà existantes . 79 investisseurs ont ont mis 300.000 E sur la table (total de l'investissement nécessaire 18 millions). Pendant 4 ans ils toucheront 5 % d'intérêt, le capital est remboursé à la fin. Donc, les investisseurs recuperont les fonds en 2025. Le raccordement de la centrale est prévu en 2023.
Le projet ”parc éolien de Tageau” et Adriers dans la Vienne [4] levée de fonds (crowdfunding) au mois d'avril 2017, durée de l'investissement 2 (deux) ans, lancement avant l'ouverture de l'enquête publique de juin 2018. Les investisseurs ont (je l'espère) récupéré leur mise avant le refus du projet par la préfecture en 2019.
Le site Energie partagé conseille des placements sur 10 ans [5]. Comme les autres sites on peut y lire ”Risque de perte en capital – rendement non garanti.” Le projet de Ladignac-le-Long (Engie Green) mentionne deux exemples avec un financement l'un sur 4 ans, l'autre sur12 ans (p. 30 de la plaquette d'information). Pour ceux qui l'ignorent : Ce village est limitrophe de Bussière-Galant et Jumilhac-le-Grand, Jumilhac est juste au nord de Sarlande où il y a encore un projet de centrale éolienne.
Cirena
Vous ne connaissez pas Cirena (Citoyens en réseau énergie renouvelable Nouvelle Aquitaine) ? Pourtant d'après le Parc Naturel Régional Périgord-Limousin, il s'agit d'une association de citoyens œuvrant pour les énergies renouvelables [6]. Ce bidule est financé par la région Nouvelle Aquitaine et l'Ademe et les membres sont institutionnels. Dans le comité de pilotage on trouve CC de l'Ile d'Oléron, association le CRER, association Solévent, association A nous l'Energie, I-ENER, la Citoyenne Solaire, PCER, Terra Energies, PNR Périgord Limousin, Enercoop Aquitaine. D'après mes informations Cirena est associée au projet d'une centrale éolienne sur Bussière-Galant et Rilhac-Lastours et quelqu'un du parc aurait prétendu, il y a quelques mois, de ne pas avoir d'informations sur le projet. Des doutes sont légitimes.
Résumons. On fait appel au terme ”citoyen” pour faire passer des projets impopulaires dans la population concernées et en profite pour discréditer les opposants. En même temps des citoyens-investisseurs-spéculateurs veulent détruire nos forêts et notre ressource en eau (les habitants de Périgueux et Angoulême dépendent de l'eau venant de notre parc naturel) et accessoirement bétonner la campagne au nom du combat contre le réchauffement climatique. Ils ne comprennent pas que nous, les humains, ne pourrons pas survivre si nous continuons à détruire notre environnement direct à grande échelle. Plus d'insectes = plus d'oiseaux chanteurs = plus de pollinisation des plantes alimentaires = famine. Plus d'arbres et plus de zones humides = désert = ... Nous n'avons toujours pas trouvé une terre de rechange où les riches pourraient se réfugier.
Sigrun Strunk, Javerlhac
Sources
[1] Les projets d'énergies renouvelables participatifs. 10 décembre 2019 https://presse.ademe.fr/2019/12/avis-de-lademe-les-projets-denergies-renouvelables-participatifs.html
[2] Toutes ces données sont accessibles sur le site société.com https://www.societe.com/
[3] Voir la carte sur le site de CTE-Wind https://www.cte-wind.com/
[4] https://www.lumo-france.com/projets/vents-d-avesnes et WPD https://www.wpd.fr/le-projet-vents-davesnes-souvre-au-financement-participatif/
[4] sur lendospere https://www.lendosphere.com/les-projets/pretez-pour-le-parc-eolien-de-tageau-dans-la-vienn le projet sur le site de la préfecture de la Vienne https://www.vienne.gouv.fr/Politiques-publiques/Environnement-risques-naturels-et-technologiques/Installations-classees/Eoliennes/Parc-eolien-SAS-ferme-eolienne-de-Tageau-Adriers
[5] https://energie-partagee.org/souscrire/pas-a-pas/caracteristiques/
[6] Cirena sur le web https://cirena.fr