samedi 28 décembre 2019

Avis de la commission d'enquête du projet de la Queue d'Ane


La commission d'enquête concernant le projet éolien dit de la Queue d'Ane (un ruisseau!) sur les communes de Saint-Saud-Lacoussière et Saint-Jory-de-Chalais a rendu un avis défavorable.

L'avis est très argumenté. Je reviens ici sur quelques passages que j'ai remarqués. Il s'agit juste de quelques commentaires personnels.

                Vue depuis Mouton vers la vallée de la Queue d’Ane et les collines (sans éoliennes)


Les commissaires se sont rendus sur le site qui devrait accueillir les éoliennes. J'ai bien aimé le récit de la visite, qui est agrémenté par des photos. La visite a commencé par l'enlacement 4, puis 3. On voit deux prés. Il est signalé que, même début septembre, le petit ruisseau qu'il faut franchir n'est pas totalement à sec. L'endroit prévu pour la deuxième éolienne n'était pas accessible. La photo montre la ligne électrique sous laquelle poussent des herbes et buissons. A droite et à gauche il y a de la forêt. Commentaire des commissaires : “Il n’est pas possible d’aller plus près en raison de la densité de la végétation.“

Le meilleur pour la fin. Voici ce qui est dit sur l'emplacement numéro 1 : “Compte-tenu de l'emplacement, au milieu d'un espace totalement fermé, boisé, auquel aucun chemin ne permet d'accéder, la commission d'enquête a achevé cette visite par la route départementale n° 79 à partir de laquelle elle a cherché à appréhender le caractère général de ce côté du site.“ Sans surprise, il n'y a pas de photo.

Avant de publier sa conclusion la commission remet un rapport au promoteur pour lui permettre de répondre à certaines questions soulevées par les participants. Dans un avant-propos le promoteur revient sur l'expérimentation du registre dématérialisé. Il ne semble pas convaincu de sa pertinence et déplore qu'il “ait servi de ‘réseau social’ pour certains avec de l’intimidation et de la calomnie.“ Il regrette que les commissaires enquêteurs n'aient pas supprimé plus que deux messages. “... certains contributeurs ont pu heurter des habitants, des élus, le promoteur. Ces comportements auraient mérité d’être modérés au fil de l’eau afin d’éviter des tensions inutiles.“

La commission d'enquête répond (p. 26) : “... il convient de rappeler qu'un registre dématérialisé n'est pas un blog ou un forum de réseaux sociaux ou de presse. Les observations qui y sont déposées doivent en principe pouvoir être appréciées par le public lui-même, l'omission des thèmes développés risquant de vicier l'enquête publique. Il est donc difficile de « modérer » une observation d'enquête publique tant qu'elle ne contient pas d'insulte ou de diffamation visant une personne. La commission d'enquête a d'ailleurs pu constater que de tels propos avaient pour but essentiel de développer l'idée selon laquelle une politique énergétique ne pouvait être que nationale et d'Etat, thème qui ne dépend ni d'une enquête publique, ni donc d'un maître d'ouvrage privé.

Le juge administratif considère par ailleurs que ce sont les thèmes, idées et autres questions de fond qui détermineront le travail d'analyse du commissaire-enquêteur plutôt que le nombre, voire l'origine géographique des personnes qui les ont déposés.“
Il n'y a pas que le public qui a relevé des contradictions dans le dossier du projet. La commission d'enquête en parle page 13. Ainsi la demande a été déposé en 2016, puis le promoteur parle de l'autorisation environnementale opposable depuis 2017. Je me suis demandée pourquoi cette remarque. La réponse se trouve tout à la fin de la conclusion : En effet, le promoteur dit qu'au moment de la rédaction de la demande aucun autre projet éolien était connu. Ce à quoi la commission répond : “Toutefois, il faut rappeler qu'il a fait appel à la règlementation spécifique de l'autorisation environnementale unique qui date de 2017 alors qu'à cette date il semble que plusieurs projets avaient été visés par l'autorité environnementale.“ (p. 39)

Pour finir les constats concernant les compensations prévues. Des observations les avaient également soulevées.

- Les zones humides à compenser : “Les parcelles concernées sont situées entre la RN 21 et la voie de chemin de fer Périgueux-Limoges.“ (p. 39)

- Concernant l'espace de substitution située à 33 km du site : “- les espaces de substitution ayant déjà leur propre vie et leur propre cycle (floristique, faunistique,...), l'on peut également se demander si l'apport d'une population nouvelle est réellement possible : cette population va-t-elle se déplacer ? Ne risque-t-il pas d'y avoir des conflits de territoire ? Etc ...“ (p. 39)

Conclusion sur les compensations proposées :

“La commission d'enquête ne peut que reprendre l'interrogation posée par le CNPN : « Il n’y a pas de stratégie d’évitement en ce qui concerne le choix d’implantation du projet. Le guide relatif à l’élaboration des études d’impacts des projets de parcs éoliens terrestres (MEEM 2016) précise que le choix du site est le facteur principal permettant de réduire les impacts sur les milieux naturels. Lorsque de fortes contraintes sont identifiées lors de l’analyse d’impact, la démarche ERC conduit à privilégier le développement d’un autre site. » “ (p. 39)

                           Ruisseau de la Queue d’Ane à 500 m du site prévu pour les éoliennes.

Remarque personnelle sur le registre dématérialisé :
Je ne suis pas favorable à cette dématérialisation. Comme beaucoup d'autres personnes, j'ai tendance à contribuer avec un pseudonyme parce que je ne veux pas que le monde entier (littéralement) soit au courant de mes contributions à divers sujets. Dans un espace rural où la plupart des gens se connaissent plus ou moins, un avis contraire à celui de ses voisins à potentiellement des conséquences fâcheuses. J'ai contribué à l'enquête en me déplaçant dans une des mairies pour y déposer ma contribution. Puis, j'ai fais une autre contribution en ligne. Le but était qu'elle soit vu par des personnes extérieures au territoire. J'ai également vu au moins une contribution à laquelle plusieurs autres personnes ont répondu en critiquant la position générale de la première intervention. Effectivement, ce n'est pas le but d'une enquête publique de servir de forum de discussion sur des questions de fond.

Mais ce qui me perturbe toujours c'est mon appréhension que les réponses soient censurées. Je sais qu'en principe chaque entrée sur un ordinateur reçoit un identifiant unique par le système. A priori on ne peut pas le manipuler. Pourtant, j'ai vérifié les numéros d'ordres de certaines des contributions, entre autres les miennes, pour m'assurer que personne n'avait manipulé le registre. Je suis, provisoirement, rassurée, aucune manipulation. Pour le moment...

Après l'avis de la commission d'enquête nous devons attendre la décision du préfet...

Sigrun Strunk, Javerlhac