vendredi 9 novembre 2018

Le message des pierres: n'est-t-il pas encore d'actualité?

Je suis depuis longtemps en vacances à Saint Front la Riviére et très attaché à cette région. Ami de Georges Marbeck, écrivain et Nontronnais, c'est avec son accord que je me permets de vous joindre un texte qu'il avait écrit en 1987 dans une revue consacrée à la Réhabilitation rurale (Livre de Michel Senaud)

Alain Durieux. Saint Front la Rivière.  

  
  "  Petrocorii.... Si la pierre a donné son nom au Périgord , les bâtisseurs, pétyrocoriens , puis périgourdins lui ont bien rendu cet hommage. : Des humbles constructeurs de cabanes de lauzes, aux innombrables compagnons et maîtres d'oeuvre anonymes  qui leur ont succédé depuis 3000 ans , chaque génération a inscrit dans le paysage du Périgord , la marque de son savoir-faire, de son art de bâtir. Un art qui fait corps avec le roc, la terre, les bois, les gens ; un art qui tire ses matériaux du pays même  et avec eux élève ses murs, travaille ses volumes, dessine ses formes au mieux de la destination des édifices, de l'usage et du goût de ceux qui les habitent ou s'en servent dans la pratique quotidienne et saisonnière de leur métier.

    Je parle ici , moins des joyaux d'architecture justement reconnus, généralement protégés, souvent restaurés à grands frais : châteaux, églises, cités....,que des constructions séculaires plus modestes qui donnent ,  à notre campagne , son caractère, pour tout dire son âme : métairies, granges,étables , forges , moulins ,lavoirs , appentis ......

    Promeneur inlassable, familier des chemins vicinaux et des voies écartées, lorsque je vois , au détour d'un talus ,au cœur  d'un village  tomber en ruines un vieux bâtiment et , tout prés,  quelquefois tout contre, rutiler une de ces horreurs cimenteuses, normalisée, trouée d'ouvertures bêtes, couverte de fausses tuiles noirâtres , clôturée de grillage à chiens ; horreur baptisée maison individuelle , pavillon , villa salardaise , ... je ressens comme une blessure au visage du Périgord. Je pense verrue, furoncle, vérole sur mon paysage. A ceux qui persistent à construire et à faire construire ces niches torchées à la chaîne, plans courants de la banalité sauvage, j'ai envie de crier : "Arrêtez le massacre ! Arrêtez le massacre et regardez un peu p^lus loin que le bout de votre parpaing. Regardez autour de vous comment construisaient les maçons, les charpentiers,les compagnons qui n'avaient ni bétonneuse , ni camion , ni smic , ni sécu, mais savaient avec bonheur asseoir une grange sur une colline, un moulin au bord de l'eau, composer un édifice parfaitement adapté aux nécessités d'une époque et d'une beauté simple, spontanée, réjouissante, en exacte harmonie avec le site ,

    Je ne dis pas qu'il faut recopier ce qu'on fait nos aïeux ;  ils vivaient avec leur temps , vivons avec le nôtre. Je dis simplement : Regardons de prés comment  ils s'y prenaient pour faire à la fois, solide, utile et beau  , sans injurier jamais le paysage. Posons les yeux sur les moindres détails de leurs ouvrages qui on t donné figure au Périgord profond . Méditons leurs trouvailles. Peut- être alors, avec nos matériaux, nos techniques, nos impératifs, retrouverons-nous l’inspiration et le caractère qui font si cruellement défaut au tout venant  de la construction actuelle en Périgord comme ailleurs.
."